La loi 90/31 qui réglemente la vie des associations en Algérie est jugée dépassée sur les plans conditions de création et fonctionnement des associations ainsi que sur le respect des textes de conventions et traités internationaux paraphés par l'Algérie, selon des appréciations faites par des animateurs expérimentés du monde associatif en Kabylie. Beaucoup de contraintes administratives sont considérées comme des facteurs bloquant toute évolution positive au sein de la communauté des associations qui, malgré des volontés souvent bénévoles et des compétences avérées, n'arrivent pas à faire passer les messages de solidarité, de développement et de progrès, de paix et de militantisme qu'elles véhiculent et défendent. «Le cadre juridique qui régit les associations est dépassé sur nombre de points qu'on pourrait citer à titre illustratif comme par exemple le nombre minimum de membres qui permet de créer une association, lequel est de 15 actuellement alors qu'ailleurs il suffit de 3 à 4 personnes pour mettre en marche une action communautaire dans le cadre d'une association», note le directeur de la médiathèque Amusnaw (le savant) de la wilaya de Tizi Ouzou, Touzene El Hachimi. La chargée de formation de cadres associatifs à la même association, Mlle Faroudja Moussaoui, qualifie, elle aussi, de «dépassée par rapport à la réalité des associations et des données actuelles à l'échelle mondiale» la loi 90/31 qu'elle trouve par ailleurs «en décalage avec les conventions et traités internationaux pourtant signés par l'Algérie surtout en ce qui concerne les conditions d'organisation d'activités, de réunions, de séminaires et de liberté de prendre des initiatives associatives, etc.». Les animateurs associatifs parlent dans ces cas d'«autorisations politiques» pour l'obtention de tout accord de l'administration pour la tenue d'activités. «Même dans une salle d'un hôtel privé, on exige une autorisation dûment signée par les autorités locales !» déclare-t-elle, illustrant la situation de fermeture des espaces publics devant les demandes d'activité des responsables des associations. «De plus, les autorités ne répondent qu'à la dernière minute aux demandes d'autorisation des associations pour l'organisation de programmes d'activités. Cette situation influe négativement sur la qualité des activités et joue sur le moral de la communauté associative dont certains membres cèdent au découragement et à la lassitude devant ces blocages bureaucratiques», relève le premier responsable de la médiathèque Amusnaw qui souligne, d'autre part, dans le même registre les lenteurs et les retards dans le traitement des dossiers d'agrément des nouvelles associations. «Parfois les demandes d'agrément demeurent un an sans réponse, les membres de ces associations restent sans suite ni positive ni négative de la part de l'administration et voient ainsi leur idée tuée dans l'œuf», rapporte-t-il. Dans le sillage de cette politique restrictive et sélective des pouvoirs publics à l'endroit du mouvement associatif, beaucoup de militants associatifs dénoncent la raréfaction des espaces publics destinés à accueillir des festivités et programmes des associations. Les maisons de la culture, les foyers de jeunes, les salles de spectacles, les théâtres… sont cédés rarement et de manière jugée sélective par les autorités locales aux demandeurs associatifs. «Souvent quand il nous arrive de solliciter les salles publiques pour l'organisation de nos activités, on nous réplique que ces mêmes espaces sont déjà réservés par les structures de l'Etat», affirme M. El Hachimi. Par ailleurs, les acteurs associatifs sont frustrés de voir les travaux qu'ils réalisent frappés d'inefficacité dans leur aspect pratique car non exploités par les hauts organismes scientifiques à des fins de développement économique et de bien-être social. «L'université et le mouvement associatif mènent des vies parallèles chez nous en Algérie, il n'y a pas de collaboration, nos travaux ne sont pas exploités scientifiquement, valorisés et mis à profit par les universités», regrette Mlle Moussaoui Faroudja qui cite comme exemple l'université de Kénitra au Maroc qui travaille sur le développement local et où les étudiants effectuent des stages dans les associations et accompagnent les membres de ces associations dans la création de petites entreprises (PME) notamment pour les femmes membres des réseaux associatifs. «A titre d'exemple, dans la majorité des pays, les résultats des enquêtes sur les phénomènes sociaux réalisées par les associations sont exploitées pour la mise en place des politiques de prévention des fléaux sociaux, de la violence contre les femmes, etc.», témoigne-t-elle. Des informations font état de prochaines modifications de la loi 90/31 mais, au vu de la situation politique en cours en Algérie, rien ne présage que ces amendements à venir iront dans le sens de plus de liberté de création et d'action et d'ouverture sur la société des associations. Bien au contraire.