Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi La logique voudrait que, plus la production laitière soit élevée, plus le recours à la poudre de lait soit faible. Ce n'est pas en tout cas ce que l'on constate sur le terrain. En effet si la production de lait cru a augmenté ces deux dernières années (elle est passé de 2,23 milliards de litres en 2008 à 2,45 milliards de litres en 2009), les volumes d'importation de poudre de lait sont restés pratiquement identiques. C'est à croire que nos laiteries préfèrent travailler avec la poudre de lait au lieu du lait cru. C'est du moins compréhensible, lorsque les laiteries sont éloignées des zones de production du lait cru, mais pour les autres aucune raison ne justifie un tel choix si ce n'est la recherche de la facilité. Alors comment changer cette tendance qui pèse lourdement sur le budget de l'Etat ? Selon l'Office national interprofessionnel du lait (ONIL), les quantités de poudre de lait livrées chaque mois aux transformateurs privés et publics (soit 120) s'élèvent à 12 000 tonnes pour un prix d'achat de 2 200 dollar la tonne. Un simple calcul d'épicier ferait découvrir le montant annuel de notre facture d'importation qui s'élève, selon l'ONIL, à plus de 700 millions de dollars. Elle avoisinerait le milliard de dollars si l'on ajoute les matières premières pour les autres produits laitiers. «Pourquoi ne pas consacrer une part de ce montant à l'importation de génisses afin de développer la production laitière en Algérie et satisfaire au mieux la demande du marché local ?» nous a lancé un éleveur de vaches laitière moderne (VLM) rencontré lors de la tenue du dernier salon de la production agricole (SISPA). Notre interlocuteur a également souligné que «l'accroissement du cheptel est indispensable». Or, le taux d'accroissement en Algérie est estimé à 2,5%. L'importation de génisses est, de ce fait, une alternative à ne pas négliger quand bien même, l'État a mis à la disposition des éleveurs un mécanisme de soutien pour la création de pépinières de génisses laitières localement. Toujours à propos de l'accroissement du cheptel bovin laitier, il est utile de rappeler que 14 000 vaches laitières ont été importées par les éleveurs privés en 2009 contre 1 200 en 2008, alors que près d'un millier de têtes ont été importées en janvier dernier. En clair ce passage de 1 200 génisses pleines importées à 13 700 dénote la reprise du développement des élevages au niveau des exploitations agricoles. Un accroissement du nombre de VLM qui s'est vite traduit sur le terrain par des augmentations de volume de lait cru collecté. Pour preuve : la collecte est passée de 218 millions de litres en 2008 à 314 millions en 2009. Par rapport à la production totale de lait cru, elle est passée de 15 à 18%, selon Abdelwaheb Ziani, président de la filière lait au sein de la CIPA. Un taux de collecte qui reste faible par rapport à la production nationale. Et c'est donc à ce niveau qu'il faudra chercher comment augmenter les volumes de collecte. Aux dernières nouvelles, les transformateurs se disent prêts à intégrer plus le lait cru dans leur outil de production pour peu que la collecte soit constante en volume. «Ce n'est pas toujours le cas», nous ont révélé des transformateurs rencontrés dernièrement au siège de la CIPA. Avec toute sa logistique, l'ONIL n'a pu réaliser ses objectifs de collecte. Il s'était engagé à récolter 400 millions de litres en 2009 contre 150 millions en 2008 mais en réalité il n'a pu réceptionner que 380 millions de litres. Un écart qui en dit long. C'est peut-être dû au fait que les éleveurs producteurs boudent l'ONIL, lui préférant d'autres canaux d'écoulement où l'opacité dans les transactions est assurée. Devant cette situation, l'ONIL a commencé à se consacrer à cette problématique et tenté de convaincre les éleveurs et les collecteurs de lui livrer leur production. D'après des cadres de l'ONIL, «à ce jour près de 13 000 éleveurs ont déjà adhéré au programme d'intensification de la production et également au déploiement de la collecte». Une adhésion qui pousse l'ONIL à programmer la collecte d'au moins 500 millions de litres de lait cru en 2010 au profit des transformateurs, convaincu qu'ils devront opérer une mutation dans leur activité, c'est-à-dire arriver à ne traiter que le lait cru. Il faut rappeler que dans le but de faire adhérer un maximum d'opérateurs dans le programme de collecte, le ministère de l'Agriculture a mis en place des mesures incitatives. Elles sont d'ailleurs non négligeables, accordant une marge de : «12 DA/litre à l'éleveur, 5 DA/litre au collecteur et 4 DA/litre à l'intégration industrielle». En clair les transformateurs reçoivent 4 DA pour chaque litre de lait cru produit en sachet. Une telle prime suscitera à coup sûr un engouement chez les transformateurs, ce qui va en parallèle, réduire les importations de poudre de lait. D'ailleurs chez l'ONIL, on veille à ce que la part de cette réduction soit proportionnelle. «C'est-à-dire, si nous augmentons de 30% la production [collecte] nous devons réduire de 30% l'importation», nous a expliqué un cadre de cet office. Notre interlocuteur a tenu à nous rappeler qu'«en 2009, l'intégration du lait cru dans le processus de transformation au niveau des laiteries était parmi les principaux facteurs ayant économisé à l'Algérie environ 40 000 tonnes de poudre, soit une valeur de près de 100 millions de dollars, et ce, une année après la crise du renchérissement de son prix sur le marché international». Dans le cas où les volumes de collecte deviendraient de plus en plus importants, c'est bien sûr le niveau des importations qui connaîtra des réductions considérables. Si cela venait à se perpétuer chaque année «on peut dire que les importations de poudre lait deviendront qu'un lointain souvenir» nous a affirmé A. Ziani et de conclure «Concernant ce produit de large consommation notre sécurité alimentaire sera assurée»