Les réponses que fourniront aujourd'hui les négociateurs iraniens à leurs vis-à-vis des trois grandes puissances, Etats-Unis, France et Russie, seront déterminantes dans la suite qui sera donnée à ce dossier, qui empoisonne les relations entre Téhéran et les capitales occidentales. Après un long bras de fer, le conflit opposant l'Iran aux pays occidentaux sur son programme nucléaire devrait connaître aujourd'hui un tournant important. En effet, la suite que donneront Moscou, Paris et Washington à la requête iranienne sur l'enrichissement à l'étranger d'uranium à des fins civiles est considérée comme une étape cruciale pour une désescalade dans ce dossier nucléaire. La réunion se déroulera sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea). Il sera question de discuter des modalités de livraison d'ici un an à l'Iran, sous le contrôle de l'Aiea, d'uranium enrichi à 19,75% pour son réacteur de recherche de Téhéran, bientôt à court de combustible. L'accord des trois interlocuteurs de l'Iran est tributaire de l'engagement de Téhéran à leur livrer, avant la fin de l'année en cours, 1 200 des 1 500 kg d'uranium qu'il a enrichis à moins de 5% sur son site de Natanz malgré les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU. Cet uranium serait traité en Russie pour produire de l'uranium réenrichi demandé par Téhéran. L'uranium serait ensuite techniquement façonné en France en quatre cœurs de combustible avant d'être livré à l'Iran. Selon la porte-parole adjointe du ministère français des Affaires étrangères, Christine Fages, un tel accord “permettra de réduire à court terme le risque que l'Iran puisse détourner cet uranium pour une arme nucléaire” et Téhéran “bénéficiera d'une assurance de fourniture de combustible de longue durée pour la production de radio-isotopes à des fins médicales”. Avec la remise de 1 200 kg d'uranium faiblement enrichi, la République islamique ne disposerait plus d'un stock suffisant pour la fabrication d'une bombe nucléaire. Cette étape suppose un enrichissement à 90%, une technologie que Téhéran ne maîtrise pas à ce jour, selon les experts. Le volume d'uranium, le cadre juridique et le financement de l'opération seront au cœur des négociations d'aujourd'hui dans la capitale autrichienne et qui pourraient s'étirer sur deux à trois jours, selon des sources proches du dossier. Un feu vert de Téhéran à la livraison de 1 200 kg d'uranium faiblement enrichi pourrait être interprété comme “une mesure de confiance”, a résumé un expert sous couvert de l'anonymat. La possibilité d'importer des cœurs nucléaires pour le réacteur de recherche de Téhéran a été sollicitée par l'Iran lui-même auprès de l'Aiea en juin dernier, alors que le combustible fourni en 1993 par l'Argentine s'épuise. Ceci étant, les Occidentaux attendent toujours que l'Iran lève d'ici la fin de l'année tous les doutes sur la finalité de son programme nucléaire, notamment ses études sur des vecteurs nucléaires ainsi que son site d'enrichissement clandestin en construction près de Qom. Des inspecteurs de l'Aiea y sont attendus le 25 octobre. Pour rappel, le 10 octobre, Téhéran a menacé d'enrichir lui-même l'uranium à 20% en cas d'échec des discussions de Vienne. Par ailleurs, un responsable iranien, Abolfazl Zohrehvand, conseiller de Saïd Jalili, le chef des négociateurs nucléaires iraniens, a affirmé hier que Téhéran maintiendra ses activités d'enrichissement d'uranium, en déclarant : “Dans la proposition actuelle, l'enrichissement d'uranium se fait sur notre territoire, mais au-delà de 5% et en particulier pour le réacteur de recherche de Téhéran, l'enrichissement se fera dans un autre pays.” Il ajoute : “L'important est que la technique et la technologie de l'enrichissement sera maintenue en Iran (...) et nous maintenons tous nos sites et centre de recherche.”