à Paris, le musée du quai Branly propose jusqu'au 3 octobre prochain une exposition exceptionnelle intitulée le «fleuve Congo», de près de 200 objets sur les arts d'Afrique centrale. «Avec le fleuve Congo, le musée du quai Branly voit grand, brasse large. Le Congo est un géant», écrit le quotidien français Libération à propos de l'exposition. Il est précisé dans cet article que le fleuve Congo, des montagnes du grand Rift est-africain, en Zambie, où il prend sa source à l'océan Atlantique dans lequel il se jette, court sur 4 700 km, ce qui en fait le deuxième fleuve le plus long d'Afrique. En chemin, il irrigue, lui et ses affluents, une région de profondes forêts et de savanes, vaste comme sept fois la France. Et il nourrit, ce faisant, plus de 400 ethnies, des Fang et des Kwelés au nord du Gabon aux Léga et aux Bembé à l'est du bassin congolais, dans l'actuelle République démocratique du Congo (RDC). Une immense diversité, certes. Mais ces peuples ont un point commun majeur, la langue bantoue, et des pratiques artistiques qui trahissent d'indéniables correspondances. Dès lors, l'exposition du musée du quai Branly invite à comparer les styles des diverses ethnies d'Afrique centrale et en découvrir les archétypes. Le commissariat de cette manifestation exceptionnelle a été confié à François Neyt. A 71 ans, ce moine bénédictin du monastère Saint-André de Clerlande en Belgique, docteur en philosophie et lettres de l'université catholique de Louvain, membre honoraire de l'Académie royale belge des sciences d'outre-mer et d'autres sociétés scientifiques, travaille le sujet depuis plus de quarante ans. Auteur de nombreux ouvrages sur les arts de l'Afrique centrale, il signe le volumineux (400 pages) livre catalogue de cette exposition coédité par le musée du quai Branly et le fonds Mercator. Un site Internet rapporte qu'à la question de savoir ce qui le lie au continent africain, Neyt répond : «Je suis né en Afrique et j'ai passé toute mon enfance dans le sud-est du Congo. Mes parents travaillaient aux Minoteries du Katanga. A 17 ans, je suis rentré en Europe pour y faire des études classiques : grec, latin et histoire de l'art. Puis je suis entré au monastère, comme moine bénédictin, avant de retourner en Afrique comme missionnaire. Avec le grade que j'avais acquis, je pouvais donner des cours à l'Université du Congo…» Les organisateurs de cette manifestation exceptionnelle ont accordé une attention particulière au parcours de l'exposition : ainsi, dans une lecture transversale des sculptures d'ouest en est, l'exposition met en lumière l'unité des productions artistiques des différentes populations partageant les mêmes modes de pensée et d'expression, et révèle leurs transformations des zones forestières aux savanes méridionales. L'exposition est construite en trois grandes séquences, précédées d'une introduction sur la géographie et l'histoire de cette zone. Dans chaque section, des documents illustrent le propos en montrant les œuvres dans leur contexte d'origine et en apportant un éclairage sur l'histoire et l'historiographie de ces formes artistiques. Sur le site du musée du quai Branly, il est souligné que l'exposition est un «véritable voyage initiatique menant le visiteur des forêts du Nord aux savanes du Sud […] Derrière la variété des masques et sculptures fang, hemba, kwélé ou kota, l'exposition met en lumière les œuvres majeures de l'Afrique centrale, dans leur conception, leurs structures et les liens artistiques qui les rapprochent». Les points d'unité culturelle entre ces arts sont mis en exergue par les trois chapitres qui articulent le parcours : masques en forme de cœur, reliquaires et figures d'ancêtres, et représentations féminines dans les savanes subéquatoriales. Il est aussi précisé que les trois thèmes fondamentaux communs à ces peuples iconophiles, sont complémentaires : les masques et statues ayant le visage en forme de cœur et qui assurent l'unité et l'identité des groupes respectifs ; l'importance de l'ancêtre fondateur et des membres éminents de son lignage ; la représentation de la femme dans les royaumes de la savane, équilibrant l'autorité des hommes, liée au mystère de la régénération de la terre, de l'agriculture, de la vie humaine. Parallèlement, grâce à la centaine de documents (textes, photos et films) rassemblés par Angèle Martin (chargée notamment des archives scientifiques au quai Branly), on entrevoit l'histoire de ces objets, de leur production, de leurs usages, et aussi de leur découverte par les explorateurs et, enfin, les artistes occidentaux. Au final, l'Afrique centrale est habitée par de nombreux groupes humains ayant chacun son identité propre. Malgré leurs différences, leurs oppositions même, ceux-ci s'exprimaient dans des langues communes, usaient d'institutions semblables, engageaient leur vision du monde dans des rituels initiatiques et thérapeutiques, des danses et des incantations adressées aux esprits de la nature et à leurs ancêtres. S. A.