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Les communes sous-développées de Kabylie aux prises avec la gestion centralisée Les autorités trop loin des graves préoccupations des populations locales
Photo :S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad C'est une évidence qui relève du domaine public etqu'aucun responsable, désigné ou élu, ne peut nier : les communes de la région de Kabylie sont sous-développées et accusent pratiquement toutes un retard difficile à rattraper même en ayant la plus grande de volonté politique. Des représentants de l'administration aux élus locaux en passant par les syndicats, les acteurs de la société civile et autres organismes des droits de l'Homme, tous s'accordent sur la situation économique chaotique qui prévaut en Kabylie, malgré des projets de grande envergure qui, hormis leur effet d'annonce, n'ont eu globalement aucun impact sur l'amère réalité du quotidien des citoyens. Les promesses de réalisation de nouvelles infrastructures publiques faites au début du mois de juin dernier dans le cadre du plan quinquennal en vigueur risquent fort probablement de connaître le même résultat que les précédents exercices, sachant que les mêmes «contraintes» évoquées auparavant par les exécutifs de wilaya pour justifier les retards dans la concrétisation des projets engendreront les mêmes conséquences. La rupture de confiance et du contrat de travail entre les populations locales et l'administration a atteint l'extrême : elle a poussé des dizaines de villages à se prendre en charge pour s'approvisionner en eau potable ou bien à prendre en charge le revêtement des routes et des pistes locales à titre d'exemple. Cela dit, les exécutifs locaux de la majorité des communes de la wilaya de Tizi Ouzou ont porté depuis longtemps les préoccupations de la population à la connaissance des pouvoirs publics sans que cela serve à quelque chose, sauf à donner une énième occasion aux mêmes responsables de renouveler les mêmes promesses jamais concrétisées. «Nous avons soumis un projet à la wilaya mais la réponse de cette dernière est toujours négative malgré les nombreuses relances sous pression de la population», affirme un élu d'une commune du sud de Tizi Ouzou en parlant d'un projet structurant pour la localité. Il ajoutera que pour qu'un projet bénéficie de l'approbation et d'un financement, il ne doit pas dépasser quelques milliers de dinars «alors que les communes de Kabylie qui sont très pauvres ont besoin de financements conséquents pour aspirer à sortir de la zone rouge», soutient-il. Après un recensement des besoins et la soumission des fiches techniques à qui de droit, les élus déchantent à la lecture de la commission d'arbitrage, selon les témoignages de beaucoup d'élus de Tizi Ouzou. «Nos fiches techniques de PCD comptent en général des projets de premier ordre qui doivent être inscrits en priorité, tels que l'assainissement, l'AEP, les pistes agricoles, les routes et l'éclairage, et malgré leur importance et leur sensibilité au sein de la collectivité, leur taux d'approbation par les autorités reste très faible», ajoute un autre élu qui se demande ce que serait la «réaction» des pouvoirs publics si jamais les maires se mettaient à transmettre toutes les doléances telles qu'exprimées par la population et tel que la situation l'exige. Il souligne qu'il suffit parfois de retrancher le salaire des fonctionnaires de la commune pour se retrouver «avec quelques miettes» dans la caisse de l'APC, incapable de boucler le prochain mois sans subvention d'équilibre, sachant que l'écrasante majorité des 67 communes de la wilaya de Tizi Ouzou ne dispose pas de revenus fiscaux suffisants pour répondre aux charges fixes et aux petits projets de développement de proximité. La situation est intenable pour les communes pauvres de la wilaya de Tizi Ouzou d'autant que les problèmes s'accumulent et sont tout aussi graves les uns que les autres. Des élus du sud de Tizi Ouzou parlent d'un taux de chômage proche de 85%. «À part la dizaine d'enseignants du cycle primaire, quelques fonctionnaires qui ont eu la chance de décrocher un poste à Tizi Ouzou il y a des années, tout le reste des demandeurs d'emploi est au chômage, notamment les jeunes diplômés universitaires qui se meurent à petit feu dans le néant du village», soutiennent ces élus. Le programme de l'habitat rural connaît un retard énorme malgré son rôle pour la fixation des populations déshéritées ; les petites industries sont carrément absentes d'où la rareté des offres d'emploi ; les infrastructures de loisirs et sportives sont quasiment bannies du décor de plusieurs communes ; l'hydraulique, l'assainissement et le gaz de ville connaissent des défaillances ; l'état des routes laisse à désirer ; la couverture sanitaire est largement faible et inadéquate pour les habitants dont une partie souffre encore du non-raccordement au réseau électrique… Si des membres de l'exécutif de wilaya ont entamé des rencontres au niveau des daïras de Tizi Ouzou pour vulgariser les projets des cinq années à venir, on ne peut qu'être sceptique quant à l'efficacité de ce travail, sachant que toutes les préoccupations des habitants ont été à maintes reprises portées pacifiquement ou par l'émeute à l'attention des pouvoirs publics. Ces mêmes pouvoirs publics qui avaient parlé il y a 4 ou 5 années de la nécessité d'un véritable plan d'urgence pour la Kabylie… sans suite. La Kabylie se vide de ses ressources, tous segments et catégories confondus. Les autorités locales et à tous les niveaux ont échoué dans leur politique de développement de la Kabylie. Il est donc temps de faire place nette pour le bien de cette région qui s'appauvrit à vue d'œil alors que des milliers de ses habitants sont poussés à l'exil ou à l'exode.