Parler de consommation et de préférences culturelles du public, revient à évoquer des offres diversifiées, des rendez-vous permanents et des événements artistiques réguliers. C'est à partir de là qu'on pourrait discourir sur les tendances actuelles et les penchants dominants des consommateurs. Cela suppose l'existence de boîtes de production concurrentes et de solides relais de diffusion pour se disputer des intérêts bien concrets sur un marché réellement dynamique. C'est ce qu'on désigne généralement par le vocable de «socialisation» du fait culturel. En Algérie, même si le potentiel existe bel et bien, son exploitation pose toujours problème. Le marché national en la matière reste toujours en devenir ! La rareté chronique des événements, les déficiences de l'organisation quand on arrive enfin à proposer quelque chose, l'incapacité des établissements publics à offrir un agenda plus ou moins régulier, et le désinvestissement du secteur privé sont autant de difficultés qui se posent à la scène culturelle et artistique. On entend souvent dire que le citoyen boude les manifestations culturelles, préférant l'ambiance bruyante des stades de football. Ce prétexte ne justifie pas la pénurie qui frappe ce secteur vital et indispensable à toute émancipation sociale. Sinon, les férus de l'art et des belles œuvres sont très nombreux à travers toutes les villes du pays. Faute de production, les Algériens recourent au système D pour se divertir et se cultiver. La télévision et l'Internet sont incontestablement les deux moyens de distraction les plus courants à travers le pays. A défaut d'une vie culturelle proprement dite, la majorité des citoyens recourent au petit écran pour tuer les heures creuses comme pour jouer, s'amuser ou communiquer. Ce sont, en effet, les deux passe-temps les plus populaires à défaut de mieux. Nos établissements culturels étant toujours en hibernation, on regarde donc ce qui se fait n'importe où ailleurs, et on se fait comme on peut aux menus qui nous sont ainsi proposés. Ce n'est pas tellement négatif de s'ouvrir sur les scènes de l'autre, mais il faut quand même avoir les «siennes» propres. Les salles de cinéma ou de spectacle, les théâtres, les centres culturels et les maisons des jeunes sont quasiment à l'arrêt depuis des années. Les musées se recroquevillent sur eux-mêmes. Le livre reste relativement cher sur le marché et les bibliothèques sont inexistantes ou peu actives dans de nombreuses villes. Les manifestations se faisant très rares, le public a conséquemment changé ses habitudes. Il ne sort plus. Il en a même perdu le goût. Seulement, ce recours immodéré à l'écran a aussi ses inconvénients. Il doit effectivement y être pour beaucoup dans cette violence ordinaire qui empoisonne un peu le quotidien de tout le monde. Aucune enquête sérieuse n'est faite sur le sujet, mais l'impact des chaînes satellitaires et de certains sites de la grande Toile est visible dans le comportement des gens, notamment chez les jeunes. La banalisation de la violence à la télévision et au cinéma, ou à travers l'Internet et divers supports numériques (CD, DVD) est une réalité qui n'est pas sans conséquence. Sous d'autres cieux, les institutions culturelles jouent un rôle actif en organisant des expositions, des festivals de musique, de cinéma ou de théâtre. Les pouvoirs publics, au même titre que d'autres partenaires économiques privés, contribuent à la création d'événements et à l'ancrage de rendez-vous culturels dans toutes les grandes villes d'un même pays, en instaurant ainsi une saine rivalité en la matière. Louable tradition qui consacre une certaine décentralisation du fait culturel, propulse la création et garantit la promotion des œuvres produites. L'existence d'un paysage médiatique pluridisciplinaire permet aussi au téléspectateur d'avoir un large éventail de choix en matière d'émissions culturelles, historiques ou d'actualité pour éclaircir sa vision et élargir ses horizons intellectuels, tout en restant étroitement lié à son identité et à son patrimoine. Il est impératif de disposer d'un secteur culturel productif et efficace pour se faire une image -une présence, donc- dans le monde, en anticipant sur le préjudice de l'effacement. K. A.