De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar A-t-on vraiment une offre culturelle diversifiée et pérenne pour s'interroger sur les goûts et les préférences du grand public ? Parler de consommation dans ce registre-là suppose l'existence de boîtes de production concurrentes et de solides relais de diffusion pour se disputer des intérêts bien concrets sur un marché réellement dynamique. Même si le potentiel existe bel et bien, son exploitation pose toujours problème. Le marché reste toujours en devenir ! La rareté chronique des événements, les déficiences de l'organisation quand on arrive enfin à proposer quelque chose, l'incapacité des établissements publics à offrir un agenda plus ou moins régulier et le désinvestissement du secteur privé sont autant de difficultés qui se posent à la scène culturelle et artistique. On e tend souvent dire que le citoyen boude les manifestations culturelles, préférant l'ambiance bruyante des stades de football. Ce prétexte ne justifie pas la pénurie qui frappe ce secteur stratégique et indispensable à tout développement social. Sinon, les férus de l'art et des belles œuvres sont très nombreux à travers toutes les villes du pays. Pour prendre l'exemple de la wilaya de Béjaïa, à chaque circonstance, l'affluence dépasse invariablement l'espérance initiale des organisateurs. Peu importe la nature du spectacle programmé, on y vient en masse. Le 2ème Festival national de la chanson kabyle a drainé, au mois de décembre dernier, des milliers de mélomanes venant des quatre coins de la région. L'intérêt était au rendez-vous. On pourrait en dire autant pour les «kermesses» organisées dans le cadre du Festival panafricain, les rencontres cinématographiques, les journées du film documentaire ou le café littéraire. Mais avec seulement trois ou quatre belles affiches par an, circonscrites de surcroît au chef-lieu, l'offre est manifestement négligeable par rapport aux besoins exprimés. Les passionnés ne peuvent attendre une année entière pour assister à un concert de musique. Les jeunes, en recherche permanente de divertissements, ne sauraient patienter autant pour s'éclater et décompresser. La disette pousse les gens à s'inventer d'autres hobbies et à se créer des défouloirs pour s'amuser et s'aérer. Les centaines de défilés nocturnes qui accompagnent depuis des mois les victoires footballistiques de l'équipe nationale témoignent de cette énergie contenue d'un public sevré de longue date. Faute de salles cinéma ouvertes le soir ou de théâtres créatifs, les citoyens se démènent comme ils peuvent pour se faire des scènes de liesse à la hauteur de leurs modestes moyens. Les matches de foot de cette dimension étant également conjoncturels, on se rabat sur les cabarets et les cafés pour se divertir. D'autres, moins nantis, se ruent sur l'Internet ou la télévision afin de meubler tant bien que mal leurs soirées. Il faut reconnaître que le produit culturel reste, tout de même, une denrée très rare. Hormis le livre qui connaît ces derniers temps une certaine dynamique éditoriale, toutes les autres disciplines peinent à répondre aux espoirs d'un peuple qui aime fortement faire la fête. Pour parler de préférences et de consommation, il faut d'abord combler tout ce vide…