Des dizaines de milliers de personnes ont célébré hier à Srebrenica le quinzième anniversaire du massacre de 8 000 musulmans bosniaques par les forces serbes de Bosnie, une journée marquée par l'inhumation de près de 800 victimes. Cette tragédie, survenue en juillet 1995, le massacre le plus sanglant commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a été qualifiée de «génocide» par la justice internationale. Les cérémonies, civile et religieuse, et les cercueils des restes de 775 victimes recouverts d'un tissu vert attendaient d'être portés en terre au centre mémorial de Potocari, près de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie. A ce jour, près de 6 500 des quelque 8 000 victimes ont été identifiées par des tests ADN. 3 749 d'entre elles sont déjà enterrées à Potocari. Plusieurs personnalités étrangères ont fait le déplacement, dont le président serbe Boris Tadic. Dans la foule, il y avait de nombreux proches des disparus, toujours hantés par ces journées où les forces serbes bosniaques se sont emparées de l'enclave musulmane de Srebrenica, pourtant sous protection de l'ONU. Ils se souviennent de la fuite éperdue de milliers d'entre eux à travers les forêts, de l'attente des survivants guettant l'un des leurs, de l'espoir qui s'amenuise. Parmi les victimes enterrées, les deux plus jeunes sont des adolescents âgés de 14 ans à l'époque. Ramiza Gurdic, une mère de Srebrenica âgée de 63 ans, a perdu aussi ses deux fils et son mari. «Comment oublier, comment pardonner ? J'y pense tous les jours. Je pense à eux quand je vois un garçon qui leur ressemble, quand je vois dans un magasin une mère qui achète des vêtements pour ses enfants.» Il y a aussi la colère. Hatidza Mehmedovic s'emporte contre la présence du président serbe : «Comment n'a-t-il pas honte de venir à Potocari, alors qu'il n'a pas arrêté deux criminels de guerre les plus recherchés, Ratko Mladic et Goran Hadzic, alors qu'ils sont à sa portée ?» Ratko Mladic, l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, a été inculpé de génocide par la justice internationale, en particulier pour le massacre de Srebrenica, et reste introuvable. Il pourrait se cacher en Serbie, et Belgrade assure tout faire pour le retrouver. Goran Hadzic est un ancien chef des Serbes de Croatie, lui aussi en fuite et inculpé par le TPI. Dans un message, le Premier ministre britannique David Cameron a assuré que les responsables du massacre seraient «poursuivis sans relâche jusqu'à ce qu'ils comparaissent devant la justice». «Que la justice arrête surtout le général Mladic», a lancé devant la foule le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Le président serbe a expliqué, samedi passé, sa présence à Srebrenica comme «un acte de réconciliation et de construction de passerelles entre les nations de l'ancien Etat yougoslave». Après des années en Serbie de déni du massacre, le Parlement serbe a adopté en mars une résolution condamnant Srebrenica. Dans un geste de défiance, Radovan Karadzic, le chef politique des Serbes bosniaques pendant la guerre de 1992-1995, jugé pour génocide par la justice internationale, a été décoré samedi par son parti, à la veille de la commémoration. R. I.