De par sa richesse et sa position stratégique, le Soudan reste un pays central dans l'échiquier régional, continental et international. Il est de ce fait devenu depuis plusieurs années un champ de bataille sourde entre les grandes puissances. Plus grand pays d'Afrique en superficie, le Soudan aiguise les convoitises les plus diverses. De quoi le confiner dans un état d'instabilité chronique. Des violences extrêmes sur fond d'opposition entre groupes de populations nomades, d'un côté, et sédentaires, de l'autre. Des conflits exacerbés par un contexte de crise (raréfaction de l'eau et d'avancée du désert). Et les inévitables conflits ethniques entre un Nord à dominante arabo-musulmane et un Sud peuplé par les Noirs chrétiens ou animistes. La dichotomie Nord-Sud semble être, dans l'avenir, le plus sérieux défi pour ce grand pays après la crise du Darfour. L'ex-président sud-africain Thabo Mbeki, envoyé de l'Union africaine, joue un rôle de conseiller dans les discussions directes à Karthoum que les Nordistes et Sudistes ont débutées ce week-end à Khartoum. Des pourparlers sous l'égide de l'organisation panafricaine qui veut accompagner un processus primordial d'un Etat membre important. Objectif : discuter des questions-clés, qui se poseront au moment du fameux référendum de janvier 2011 sur l'indépendance du Sud-Soudan. Plusieurs scénarios sont esquissés : l'option de deux Etats séparés. L'option de la confédération. Deux Etats unis sous gouvernance centralisée. Deux Etats indépendants avec des relations spécifiques. L'idée d'une confédération ou d'un marché commun si l'option de la sécession est retenue. L'idée d'instaurer une confédération semble de plus en plus faire l'unanimité discrètement. C'est l'option du président Omar el-Béchir, opinent des observateurs avisés du dossier soudanais. Même le très consensuel Thabo Mbeki, et au nom de l'Union africaine, évoque le choix avec gravité. L'ancien président sud-africain l'a dit clairement : «Une indépendance pure et dure n'est pas dans l'air du temps.» L'heure est plutôt à «l'intégration sous-régionale». Intégration sous-régionale, le mot est lâché. La tendance est donc à la mise en place d'un marché commun ou d'une confédération, avec des institutions communes aux deux Etats indépendants l'un de l'autre. Cependant, le fait que les rapports entre les pouvoirs du Nord et du Sud sont trop déséquilibrés pourrait engendrer une confédération bancale. Elle se ferait au détriment d'un Sud qui se retrouverait indépendant, mais héritier d'une fragilité périlleuse. La séparation n'aurait pas que des adeptes. Même des Sudistes soutiennent cette idée de confédération. Les uns parce qu'ils y trouveraient un intérêt financier, les autres parce qu'ils croient toujours à un Soudan unifié dans la lignée de l'ancien chef rebelle John Garang, décédé en 2005. Le leader charismatique du Sud, aujourd'hui disparu, incarnait un Soudan uni, mais où le Sud jouerait un rôle indéniable. Mais pour beaucoup d'observateurs, l'hypothèse d'une confédération illustre aujourd'hui l'ambigüité de la démarche soutenue par certaines parties : plaider pour l'organisation du référendum sur «l'indépendance», et poser sur la table la notion d'unité. Diverses propositions de confédération ou de fédération sont ébauchées dans les médias à Khartoum, mais c'est la première fois que les ex-rebelles sudistes évoquent la formation d'une confédération en cas de victoire de l'option sécessionniste. Les ex-rebelles sudistes du SPLM et le Parti du congrès national (NCP) du président Omar el-Béchir lancent un panel conjoint afin de déterminer ce qu'il adviendrait des dossiers-clés (partage des ressources naturelles notamment) à l'issue du référendum de janvier en cas de l'accomplissement de l'un de ces deux scénarios : indépendance ou unité. Le Soudan vient de tenir des élections présidentielle et législatives en avril. C'est le premier scrutin jugé réellement pluraliste depuis 1986. Les résultats définitifs n'ont été rendus publics que deux semaines plus tard, semant la suspicion chez les opposants. Le président en exercice Omar El Béchir (au pouvoir depuis 1989) est élu avec 68% des voix exprimées. L'opposition soudanaise a, en partie, boycotté le scrutin ou s'était retirée au cours du déroulement des opérations électorales. Les regards sont maintenant braqués vers le prochain défi politique auquel le pays sera confronté. Le référendum d'indépendance du Sud-Soudan est le point cardinal de l'accord de paix ayant mis fin, en 2005, à plus de deux décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud. Ce conflit avait fait deux millions de morts et des déchirements indélébiles. Le NCP et les ex-rebelles sudistes du SPLM ont indiqué ne pas avoir de date butoir afin de régler définitivement les quatre questions stratégiques qui devraient régir les relations entre les deux entités territoriales. La question des ressources naturelles fera incontestablement office de baril de poudre dans la question territoriale du Soudan dans le futur. Le Soudan compte des réserves pétrolières prouvées de quelque six milliards de barils. Ces richesses du sous-sol sont situées principalement dans le sud du pays et dans des régions situées entre le Nord et le Sud. Le pétrole représente 98% des revenus du gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan et près de 60% des recettes du gouvernement central de Khartoum. De quoi créer une sérieuse tension entre le Nord et le Sud. L'après-référendum pourrait fortement pousser le pays du Nil bleu vers l'inconnu. M. B.