Le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé les dirigeants irakiens à mettre fin à l'impasse politique dans laquelle le pays est viscéralement coincé. Dans l'impossibilité de se doter d'un gouvernement, plus de cinq mois après les élections législatives l'Irak semble indubitablement piégé. Les élections législatives du 7 mars n'ont donné à aucune formation la capacité de gouverner. Les Irakiens, avec le sentiment que le pays éclate de toutes parts, attendent toujours de connaître le nom de leur prochain Premier ministre et la composition de leur Exécutif. Le Bloc irakien, dirigé par l'ancien chef du gouvernement Iyad Allawi, est arrivé en tête en remportant 91 des 325 sièges du nouveau Parlement, battant sur le fil la Liste pour l'Etat de droit du Premier ministre sortant Nouri al Maliki. Ce dernier n'en a recueilli que 89. Refusant de lâcher le pouvoir, et pour faire contrepoids, Maliki s'allie avec l'Alliance nationale irakienne (ANI), une liste chiite qui a terminé en troisième position avec 70 sièges. Cependant, l'ANI n'est pas particulièrement favorable à une reconduction de Maliki. Situation de blocage : la crise politique se complique d'autant plus que le pays connaît une nouvelle flambée de violence. La Liste kurde, regroupant les deux grands partis traditionnels du Kurdistan, a recueilli 43 sièges. Les Kurdes ne sont pas opposés à ce que l'actuel Premier ministre Nouri al Maliki effectue un second mandat. Pour le président de la région autonome du Kurdistan irakien Massoud Barzani, «il ne s'agit pas de bâtir une nouvelle alliance, mais de ranimer l'ancienne alliance qui existera toujours.» Durant le règne de Saddam Hussein entre les chiites et les Kurdes, une alliance tacite existait. Les deux communautés voyaient d'un mauvais œil le contrôle quasi total du pouvoir par les sunnites. La vie politique irakienne post-Saddam est particulièrement rythmée par les alliances et les mésalliances à consonances ethniques. Les risques d'implosion de l'alliance des partis religieux chiites, au pouvoir en Irak depuis 2005, ont redonné ses chances à l'ancien Premier ministre laïc Iyad Allawi. Ce dernier serait appuyé par les pays arabes, dans la course pour le poste de chef du gouvernement. La Constitution irakienne stipule que le chef de l'Etat doit demander au leader du principal groupe au Parlement de former le gouvernement. L'actuel Premier ministre Nouri al Maliki entend se maintenir à son poste malgré le refus de ses «alliés». Les négociations sont depuis rompues entre les «frères» chiites. Les chiites doivent, en effet, attendre que le Parlement ait élu son président pour enregistrer officiellement leur union. L'ANI ne souhaite en aucun cas voir Nouri al Maliki effectuer un second mandat, mais la Liste pour l'Etat de droit refuse de présenter un autre candidat, jugeant qu'il est la personne adéquate pour ce poste et mettant en avant un bilan jugé positif, notamment en matière de sécurité. Tenace, Nouri al Maliki, malgré la pression, prédit de sombres perspectives pour le pays sans lui à la tête du gouvernement. Il avertit que la volonté de ses opposants de l'écarter mettrait en péril «l'unité de l'Irak, sa souveraineté et sa Constitution» et que son éviction marquerait le retour «des seigneurs de guerre et des milices». La perspective de retrait des forces américaines complique la donne. Le président américain Barack Obama confirme que les forces combattantes américaines auront bien quitté l'Irak à la fin du mois. Fin août, il ne restera plus que quelque 50 000 soldats américains en Irak, contre 144 000 à la fin du mandat de Bush. Pour le commandant des forces armées américaines en Irak, le général Ray Odierno, les forces irakiennes seraient prêtes à la passation pour assumer la responsabilité de la sécurité du pays. Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Ad Melkert, envoyé spécial de l'ONU en Irak, a averti que le «retrait des troupesaméricaines commence à affecter le travail» de l'Unami, la Mission de l'ONU en Irak. Pour beaucoup de spécialistes du dossier irakien, le retrait américain dans la situation actuelle pourrait compliquer davantage la crise. Et la multiplication des attentats a renforcé les craintes sur la sécurité (plus de 100 personnes ont péri déjà depuis le début du mois d'août). Un minimum de stabilité politique est requis. Le président américain envoie une lettre au guide spirituel chiite irakien, le grand ayatollah Ali Sistani, lui demandant de «mettre fin aux querelles entre responsables politiques» en vue de former un nouveau gouvernement. L'initiative d'Obama pourrait être un coup d'épée dans l'eau. Cette lettre vient peu après une tentative considérée comme ratée du vice-président Joe Biden de régler la crise du nouveau gouvernement lors d'une visite le 4 juillet à Baghdad. Les dernières violences en Irak ont fait au moins 60 personnes quelques jours avant le début du Ramadhan. L'entame du mois sacré se caractérise ces dernières années par une recrudescence des attaques. Sept ans après l'invasion, l'avenir de l'Irak reste incertain. Depuis sa cellule de Baghdad, l'ancien vice-Premier ministre irakien de Saddam Hussein, Tarek Aziz, dresse un bilan amer. Celui qui fut durant plusieurs années chef de la diplomatie irakienne estime que l'Irak est dans un état pire qu'avant l'invasion américaine. «Pendant trente ans, Saddam a construit l'Irak et désormais le pays est détruit. Il y a plus de malades qu'avant, plus d'affamés, les gens ne bénéficient d'aucun service public. Les gens sont tués chaque jour par dizaines, quand ce n'est pas par centaines.» Aziz accuse le président américain Barack Obama «d'abandonner l'Irak à son sort» en retirant ses troupes de combat malgré le regain de violence. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne «ont tué notre pays à bien des égards. Quand vous faites une erreur, vous devez corriger cette erreur et ne pas laisser l'Irak mourir». M. B.