Les chefs de la diplomatie américaine et britannique se trouvent à Baghdad afin d'inciter les Irakiens à conclure. Payant de leur personne, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et son collègue britannique, Jack Straw, secrétaire au Foreign Office, ont fait hier le déplacement de Baghdad, s'invitant de façon impromptue à des négociations interirakiennes -pour la formation d'un gouvernement- qui s'éternisent finissant par irriter Londres et Washington. De fait, le président américain, George W.Bush, a appelé à plusieurs reprises les blocs politiques irakiens à conclure leurs négociations et de former rapidement un gouvernement afin de permettre au pays de retrouver la stabilité. Il est vrai que les parties irakiennes en pourparlers depuis plus de trois mois ne parviennent pas à trouver un terrain d'entente à même de permettre la formation d'un cabinet d'union nationale. Les deux ministres américain et britannique ont indiqué qu'ils étaient porteurs «d'un message fort» pour les dirigeants irakiens, regrettant une lenteur de procédure qui ne favorise guère la sérénité au moment où les violences quotidiennes se poursuivent dans un pays quelque peu livré à lui-même. Dans une déclaration à la presse, Mme Rice avait indiqué: «Nous allons insister pour que les négociations aboutissent» à propos de pourparlers qui traînent en longueur depuis les élections législatives du 15 décembre. «Il devrait être clair pour tout le monde que le moment est venu pour que les négociations aboutissent à la formation d'un gouvernement d'union nationale» a affirmé la diplomate américaine à bord de l'avion qui l'emmenait à Baghdad. «Je suppose que le fait que nous ayons ces discussions avec les dirigeants (irakiens) est un signe de notre insistance sur le besoin d'un gouvernement d'union nationale», a réitéré Mme Rice. De son côté, Jack Straw a affirmé «Nous sommes engagés en Irak, très engagés. Mais nous avons besoin de voir des progrès». «Nous reconnaîtrons et respecterons celui qui émergera comme dirigeant (...). Ce qui nous préoccupe, c'est qu'ils (les Irakiens) doivent faire des progrès rapides pour trouver un dirigeant», M.Straw laisse entendre ainsi que ni Londres, ni Washington n'avaient l'intention d'interférer dans le choix d'un Premier ministre. C'est justement le choix du chef du gouvernement qui fait aujourd'hui problème, plusieurs partis refusant le renouvellement du mandat du Premier ministre sortant, Ibrahim Al-Jaafari qui, il est vrai, par ses décisions et déclarations intempestives, a fini par se mettre à dos une partie de la classe politique irakienne, y compris le président Talabani, qui n'a guère apprécié les décisions unilatérales de son Premier ministre, comme d'organiser des voyages diplomatiques à l'étranger sans le consulter. De nombreux parlementaires appellent M.Jaafari à se retirer afin de débloquer les négociations, appels demeurés sans écho car l'entourage du Premier ministre rejette l'idée d'un retrait d'Ibrahim Al-Jaafari, confirmé- sans doute dans la précipitation- par l'Alliance unifiée irakienne (AUI - composée de plusieurs partis chiites conservateurs- qui a gagné les élections législatives avec 128 sièges) au lendemain de la victoire électorale. En fait, c'est l'impasse du fait que les chiites conservateurs, qui détiennent la majorité absolue au Parlement, les sunnites et les Kurdes ne s'entendent pas sur un nom de Premier ministrable, retardant d'autant la formation d'un cabinet qui se fait ainsi languir, alors que plus que jamais l'Irak a besoin d'un gouvernement capable de prendre des décisions politiques et d'ordre sécuritaire. Un autre point sur lequel achoppaient les discussions, celui du Comité national de sécurité, semble avoir trouvé une issue, les partis étant parvenus à un compromis sur la composante humaine de la nouvelle structure, indiquait hier un communiqué de la présidence irakienne. Selon le bureau du président Jalal Talabani, les négociateurs sur la formation d'un gouvernement sont arrivés à un accord sur la création d'un comité ministériel chargé de la sécurité nationale. Ce comité sera présidé par le Premier ministre secondé par un vice-Premier ministre. De fait, chiites et sunnites se disputaient la présidence de la nouvelle structure sécuritaire. L'accord semble donner ainsi satisfaction aux deux parties. Si les politiques peinent à trouver un consensus gouvernemental, la violence en revanche ne connaît pas de répit, l'Irak ayant encore été ensanglanté hier par des attentats qui ont fait une dizaine de morts et plusieurs blessés à Baghdad et dans sa région.