Photo : Riad De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le planning élaboré par les différents services en charge des contrôles du marché durant le mois de Ramadhan prévoit des sorties quotidiennes des brigades mixtes de contrôle à Constantine. Normal, le commerce est une activité loin d'être innocente. Sinon comment expliquer les effets yo-yo imprimés aux prix des produits de large consommation ? L'éternel alibi de l'offre et de la demande n'est pas toujours recevable et tout le monde sait que le marché a ses lois qui n'ont rien à voir avec les règles commerciales. Les pouvoirs publics se sont juré avant le mois de jeûne de frapper sans répit et de lutter sans discontinuer contre les pratiques commerciales frauduleuses, mais force est de constater que les menaces et même les interventions en force sur le terrain ne sont en fait que des coups de machette dans une jungle infestée de prédateurs. Les vendeurs et grossistes continuent de faire ce qu'ils veulent et comme ils le veulent. Au terme de cette première moitié du mois de Ramadhan, on peut constater que, malgré les nombreuses sorties opérées par les brigades mixtes de contrôle et la multitude de contrevenants qu'elles ont épinglés, le commerce informel est toujours là et les pratiques commerciales frauduleuses existent toujours. Le consommateur devrait apprendre à séparer le bon grain de l'ivraie lorsqu'il effectue ses achats. Mais pour ce faire, il faut qu'il ait le choix et surtout conscience de la force qu'il pourrait avoir. Or, pour que les consommateurs puissent peser dans la balance et influer sur la courbe des prix, il faut d'abord qu'ils aient un point de convergence qui les unisse, et les associations de consommateurs sont ce centre de rassemblement qui tarde à se constituer. Aussi les consommateurs continuent-ils à s'arracher les produits, donnant ainsi aux commerçants les coudées franches pour revoir à leur guise les prix, à la hausse généralement, bien que l'offre soit amplement disponible. C'est dire combien les mauvaises habitudes ont la peau dure ! La réglementation demeure un vain mot chez la plupart des commerçants et autres détaillants conjoncturels, qui, malgré la loi sur la pratique commerciale et la nécessité qu'elle soit enregistrée au registre du commerce, se reconvertissent en pseudo-spécialistes des marchés pour proposer leur «invention ramadhanesque». Ce que les services de contrôle veulent anéantir pour fluidifier les différents souks et tenter d'apaiser la flambée de la mercuriale des prix et ce, conformément au règlement en vigueur. La Direction du commerce tire son premier satisfecit «Sans tomber dans l'autosatisfaction, on pense qu'on a fait le maximum durant ces dix jours en matière de contrôle des marchés et autres circuits de vente répartis à travers l'ensemble des communes. Cela s'est traduit notamment par les quantités de produits saisis et les poursuites judiciaires engagées à l'encontre des contrevenants», devait se féliciter le directeur du commerce de wilaya M. Bouzoubia, indiquant que la situation du marché est devenue stable après le premier rush du début du mois de Ramadhan : «Il y a même eu une mévente au niveau du marché de gros.» Et d'enchaîner : «On souhaiterait réaliser beaucoup plus de performance sur le terrain pour combattre toutes sortes de spéculation. Le citoyen devrait y mettre du sien pour ne pas encourager toutes sortes de fraudes.» Les commerçants augmentent leurs produits de quelques dinars en plus en présence d'une forte demande. Les brigades mixtes déployées, 26 chargées du contrôle de la qualité et 17 de la pratique commerciale, font des inspections inopinées. Le marché de gros a été contrôlé à la veille du mois de Ramadhan. Question d'y mettre de l'ordre. Des visites ont cependant permis de déceler des défaillances et des P-V ont été dressés. Il est vrai que la mercuriale se stabilise une fois que l'offre dépasse la demande et que les prix deviennent raisonnables. Mais cela a concerné plus ou moins les légumes ; quant aux fruits, leurs prix demeurent brûlant. Les viandes blanche et rouge maintiennent leur coût exorbitant malgré les importations en provenance de l'Inde. «Quelques aviculteurs ont cessé de produire durant cette saison chaude par crainte du taux de mortalité. Ils ont boudé la production, d'où l'insuffisance, du poulet sur les étals et, par ricochet, son coût onéreux», explique notre interlocuteur. De l'avis des citoyens, la viande importée aurait été bénéfique pour les bourses moyennes si elle était venue un peu plus tôt. «Il y a eu un léger décalage qui a faussé sa consommation… et sa mise en vente au moment opportun», commente un père de famille. Sur le plan des chiffres, le bilan élaboré fraîchement par la Direction du commerce fait ressortir, lors de ces dix derniers jours de jeûne, 993 interventions de contrôle ayant touché à la qualité. Elles ont permis de constater plusieurs infractions se rapportant à la vente de produits impropres à la consommation (47 cas), à l'absence d'hygiène (105 cas), au fardage des fruits et légumes… On relève 183 poursuites judiciaires. En outre, il a été procédé à la fermeture de 14 commerces activant surtout dans la pâtisserie. La saisie globale des produits avoisine 1,3 tonne, dont 800 kg de «frik» coloré artificiellement en vert. Cet aliment à base de blé indispensable à la confection de la chorba n'a pas été épargné par les négociants. Plusieurs saisies ont été opérées en différents points de vente. «Il y a eu tricherie sur la nature du produit. On a ‘‘préfabriqué'' cet aliment avec du colorant vert pour rester dans la couleur naturelle de cet ingrédient caractéristique de la soupe, et du blé dur de moindre coût, en moyenne 30 DA le kilogramme. Le ‘‘frik'' qui en résulte est cédé à 250 DA. Reste maintenant à confirmer si ce colorant n'a pas d'effet toxique sur l'organisme», souligne le chargé de la communication de la DCP. En ce qui concerne le contrôle effectué sur les pratiques commerciales, la Direction nous fera savoir que 440 interventions ont décelé 214 infractions. Les défauts d'affichage, de facturation et l'absence de registre du commerce conforme à l'activité exercée sont les principales fraudes mentionnées. Elles ont été sanctionnées par une saisie de 0,23 tonne de marchandises et par quatre fermetures. Des opérations similaires devront être assurées au long de ce mois de la rahma. «Nos ambitions sont grandes à venir à bout de tout ce qui se trame dans la spéculation et la fraude», ambitionne le directeur du commerce de wilaya.