Synthèse de Sihem Ammour Le célèbre luthiste irakien Nasseer Shamma a affirmé, en marge du concert qu'il avait animé dimanche soir au théâtre de la ville, que le projet de création d'une maison de luth arabe à Constantine a été réactivé et sera bientôt lancé. Le grand maître du luth arabe avait ajouté que «le choix de Constantine comme lieu d'implantation de cette école de luth, qui sera d'envergure maghrébine et même européenne, est à présent clair et décisif», rapporte l'APS Nasseer Shamma a également assuré que les dispositions pratiques nécessaires à la mise sur pied de la structure sont à présent à un stade avancé, précisant que la maison du luth arabe sera, cette fois-ci, prise en charge par l'Etat, contrairement à la première tentative qui avait été parrainée par une école de musique privée, l'ex-école Maya qui a abrité le premier noyau de la maison du luth arabe, également implantée à Constantine, mais qui n'a pas pu s'inscrire dans la durée. Pour rappel, après la fermeture de cette école, il y avait eu le projet, en 2007, de la création d'une structure similaire à Alger, qui devait plus précisément être installée au palais des Raïs, à l'occasion de l'événement «Alger, capitale de la culture arabe». Mais ce projet n'avait pas pu voir le jour pour moult raisons.Trois années après, il semble que Nasseer Shamma a définitivement opté pour Constantine pour ce louable projet. Le magicien du luth irakien confiera à l'APS que Constantine est une ville qui lui «renvoie des ondes positives» et où «il possède de nombreux amis et appuis à son projet». Et d'abonder dans le même sens : «C'est une ville qui jouit d'une place spéciale dans mon cœur et quand j'en parle à l'étranger, les gens, notamment en Europe, me renvoient des échos favorables et me disent qu'ils viendraient volontiers y étudier.» La cité du Vieux Rocher lui a d'ailleurs inspiré une magnifique composition musicale qu'il a interprétée, pour la première fois, lors de son concert de lundi soir, et qui lui a valu une standing-ovation du public. Il est à souligner qu'à travers la création de la maison de luth arabe, dont la première a vu le jour au Caire en 1998, le maître du luth arabe ambitionne de diffuser à grande échelle l'enseignement de cet instrument, symbole de la musique arabe, à travers une stratégie simple et efficace : amener chaque musicien diplômé à former à son tour vingt autres musiciens. Le virtuose du luth arabe confiera que cet enseignement «est une manière pour moi de payer la dîme du don que chaque personne doit à Dieu qui l'a honoré de ce cadeau inestimable». Nasseer Shamma sera également l'inventeur de plusieurs nouvelles techniques pour le luth, notamment jouer du luth avec une seule main, destinée à atténuer les souffrances intérieures des mutilés de guerre au Proche-Orient. Il a également inventé la technique consistant à jouer du luth avec cinq doigts ouverts et sans «richa» et a aussi fabriqué le premier luth à huit cordes suivant le manuscrit d'Al Farabi. Pour le digne héritier de Zyrieb, l'enseignement du luth à une proportion plus grande que celle de l'apprentissage d'un simple instrument de musique prend une dimension philosophique et existentialiste pour l'exceptionnel virtuose du luth irakien qui voudrait introduire un musicien dans chaque maison. Il avait confié, à propos de son enseignement, à un grand quotidien étranger que «les étudiants quittent les cours avec un équilibre et une beauté intérieure qu'ils n'avaient pas lors de leur admission à l'école», expliquant aussi que «la musique peut casser les barrières et les contraintes idéologiques ; elle dissout la fermeture d'esprit, mais sert également d'instrument de résistance contre l'injustice.»