Les élections législatives de samedi dernier en Afghanistan émaillées d'attaques des Talibans et de nombreux incidents de fraude auront été un non-événement pour les Afghans incrédules quant à la situation politique de leur pays. Comme lors de la présidentielle en 2009, les résultats du vote, attendus au plus tôt fin octobre ne devraient pas avoir d'influence sur la situation explosive de ce pays complexe. Les talibans, qui ne sont pas aussi en déroute qu'on le dit, ont manifestement tenu leur promesse. Celle de perturber le scrutin pour choisir les «représentants» du peuple. Avant même l'ouverture des bureaux de vote, des roquettes s'abattaient déjà. Et le bilan est symptomatique d'un vote qui s'est déroulé en pleine guerre. Les Talibans ont revendiqué 150 attaques contre des bureaux de vote, notamment à la roquette et au mortier. Les attaques ont entraîné la mort d'au moins quatorze personnes et fait une vingtaine de blessés. Cependant malgré l'insécurité omniprésente, de nombreux électeurs ont tenu à se rendre aux urnes. La population afghane habituée des situations de guerre semble installée dans l'apathie. La comparaison avec la présidentielle de 2009 revient inlassablement dans les commentaires. Le taux de participation s'élève à environ 40%, contre 35% lors de la présidentielle, en tenant compte des 1 500 bureaux de vote restés fermés. Les talibans ont exhorté les habitants à ne pas participer au scrutin. Et ont marqué de leur présence une journée censée être sous haute sécurité. Ces élections législatives, pour pourvoir 249 sièges, ont été également marquées par d'importantes fraudes, notamment par la présentation de fausses cartes d'électeur ou de tentatives d'intimidation des candidats et fonctionnaires liés au scrutin. L'achat de voix est monnaie courante dans ce pays à la pauvreté endémique. La crédibilité des résultats risque encore une fois d'en prendre un coup. Déjà que l'image du gouvernement du président Hamid Karzaï à l'intérieur et à l'extérieur est sérieusement écornée. Ce scrutin paraissait sans véritable enjeu tant le pouvoir réel reste entre les mains du président en exercice qui jouit de la protection américaine. Point notable, ces élections législatives ont particulièrement capté l'intérêt des médias occidentaux qui ont focalisé sur la gent féminine dans l'objectif manifeste de présenter le pays des talibans sous une image différente, rendue possible grâce à la «démocratie» imposée par l'Otan. Cependant la réalité sur le terrain paraît moins rose. Au-delà des tueries signées des talibans, les «bavures» et autres «dépassements» des soldats étrangers sont monnaie courante. Dernier en date, cinq soldats américains, stationnés dans la province de Kandahar, ont été inculpés du meurtre gratuit de trois civils afghans. L'information rapportée par le Washington Post fait état d'acte digne des armées barbares. Les GI's auraient mutilé leurs victimes et ensuite pris des photos des cadavres. L'armée américaine, qui s'enlise en Afghanistan, est à l'occasion de nouveau sur la sellette. Jeudi, le quotidien britannique The Guardian révélait déjà l'ampleur du scandale, expliquant que ces soldats tuaient «pour le sport» et gardaient «des doigts comme trophée». Certains auraient même conservé des os et des crânes, ajoute ce média. Le nouveau scandale n'est pas sans rappeler la sinistre prison d'Abou Ghraïb, en Irak où les militaires américains s'adonnaient à des séances d'humiliation des prisonniers en prenant des photos. En décembre 2009, ces cinq soldats créent un «escadron de tueurs» destiné à perpétrer ce genre d'action. Le Pentagone, dans l'embarras, refuse de commenter. Le bourbier afghan n'en finit pas de confirmer l'enlisement des forces étrangères. Les forces britanniques décident de céder aux Américains le contrôle de Sangin. Un bastion taliban incontrôlable et zone de combats meurtriers en plein cœur de la province du Helmand. La région de Sangin, où transitent des armes, de la drogue et du trafic en tout genre est considérée comme un axe vital pour les talibans. Plus d'une centaine de soldats britanniques ont perdu la vie dans cette région coupe-gorge, soit le tiers des militaires de ce pays morts en Afghanistan depuis 2001. Les quarante commandos britanniques stationnés à Sangin devraient être redéployés sur la zone centrale de Helmand, aux côtés de forces gouvernementales afghanes. Trente mille hommes de la force internationale opèrent actuellement dans la province du Helmand. Depuis son arrivée au pouvoir, en mai, le Premier ministre britannique, David Cameron, s'est employé à renforcer le soutien de son opinion publique à l'engagement de son pays en Afghanistan. Mais à l'instar de l'administration US, il veille à fournir un calendrier approximatif de retrait. Devant le Parlement, il annonce que les forces britanniques devraient avoir abandonné leur «rôle de combat» ou avoir quitté le sol afghan «en nombre significatif» d'ici cinq ans. Dans un entretien au Times, le général américain Benjamin Freakley critiquait la stratégie suivie par les Britanniques dans la zone désertée. L'ancien responsable militaire américain des régions du sud et de l'est du pays entre 2006 et début 2007 estime que Londres s'est comporté comme «s'il était face à l'Armée républicaine irlandaise.» Selon lui, «le choix d'envoyer de petits groupes de soldats défendre les localités de la province telles que Musa Qala ou Sangin s'est révélé désastreux .» Mais le désastre risque bien de poursuivre davantage tous les soldats étrangers présents sur le sol afghan. Depuis le début de l'année seulement, 518 soldats étrangers ont péri en Afghanistan, dont 335 Américains. L'année 2009 avait déjà été, et de très loin, l'année la plus meurtrière pour les forces étrangères depuis le début de la guerre fin 2001, avec 521 morts. M. B.