Photo : S. Zoheïr Par Hasna Yacoub La tension sur le marché du lait en sachet est devenue récurrente. Malgré l'assurance donnée par les responsables du secteur à la veille du mois de Ramadhan, la pénurie de lait en sachet est, depuis quelques semaines, une réalité difficilement gérée au quotidien par le citoyen. Et cela dans plusieurs wilayas du pays, notamment la région Centre. Chez les professionnels du secteur, cette situation est imputée au déficit en poudre de lait. L'Office national interprofessionnel du lait (Onil) est de nouveau pointé du doigt. Selon les propriétaires des laiteries privées, l'Onil, chargé de l'importation de la poudre et sa ventilation aux producteurs, ne les alimente pas suffisamment en poudre. Une situation qui les oblige à diminuer la production. Certains, qui auraient épuisé tout leur stock de poudre de lait, ne peuvent plus se procurer la poudre du lait sur le marché «libre» à cause de la hausse soutenue de son prix. Après une brève accalmie sur les marchés internationaux, les cours de la poudre de lait, qui suivent la hausse de la demande des grands pays consommateurs, sont remontés en flèche en 2010. Ce qui est loin de rendre la tâche facile à l'Algérie - considérée comme le plus gros acheteur de poudre de lait écrémé dans le monde - qui risque de payer cher sa facture de lait cette année alors qu'elle tente justement de la réduire. A ce sujet, il faut préciser que l'Algérie importe annuellement de grandes quantités de poudre de lait, pour un montant avoisinant les 3 milliards de dollars, que l'Onil distribue depuis la crise alimentaire mondiale de 2008 à travers le système de quotas. Le gouvernement avait décidé alors d'encourager l'intégration du lait cru dans le système de production pour réduire la facture mais cela ne semble pas avoir produit les résultats escomptés. Il semble aujourd'hui que la décision de réduire l'importation de poudre de lait encore plus qu'en 2009 et 2008 va accentuer la pénurie. En plus de l'Onil, pointé du doigt, les opérateurs privés accusent le Comité interprofessionnel du lait (CIL) de les léser. Une dizaine de propriétaires de laiteries, sur les 90 réparties sur le territoire national, qui se sont, rappelons-le, constitué en un collectif informel, avaient déjà dénoncé les restrictions imposées en matière d'approvisionnement en poudre de lait, soutenant que le CIL «lèse beaucoup les privés». Autre cause de la pénurie : la poudre de lait, subventionnée par l'Etat, quand elle n'est détournée pour la fabrication des dérivés (fromages, yoghourts, crèmes…), est simplement vendue en l'état sur le marché informel, soutiennent certains producteurs. Les raisons de la pénurie semblent être multiples et la crise s'installe dans la durée avec de graves conséquences. Même si le ministère de tutelle rejette cette option. Intervenant la semaine dernière sur les ondes de la Chaîne III, Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture, a déclaré que la collecte de lait cru a connu une certaine amélioration. Il a cependant reconnu qu'elle n'a pas pu concurrencer le lait en poudre, d'où la crise. Selon lui, une prime sera octroyée, en plus de la prime d'incitation déjà en vigueur, aux collecteurs de lait cru. Il a ajouté que son département est en négociation avec le conseil interprofessionnel de la filière afin de sensibiliser davantage les opérateurs du lait en poudre. «On va essayer de les convaincre pour leur reconversion vers le lait cru, ne serait-ce que pour la moitié, c'est-à-dire une partie pour le lait en poudre et une partie pour le lait cru», a-t-il mentionné en précisant que les opérateurs qui travaillent uniquement avec le lait en poudre seront exclus de l'ensemble des dispositifs d'incitation déjà mis en place. En attendant la reconversion des opérateurs, il faut peut-être penser à se tourner vers le thé.