Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili En organisant, jeudi dernier, une journée d'étude sur le projet de plan de sauvegarde d'une partie de la ville de Constantine, le président de l'Assemblée populaire de wilaya de Constantine avait certainement pour idée de faire rattraper un peu le coup sur l'étude concernant la sauvegarde d'un pan important de la cité, sans que l'institution et l'ensemble des élus y aient été associés, comme le leur confèrent les lois, plus particulièrement le code de wilaya. Il s'agissait pour lui d'anticiper en désamorçant une inéluctable crise si le projet venait à être livré dans sa mouture finale. Autrement dit, que l'un des premiers acteurs concernés sinon l'essentiel n'aurait pas été associé à une mission qui le concerne et le responsabilise devant la population.Et ceci explique cela, c'est-à-dire l'hostilité ambiante qui a marqué la rencontre et surtout l'attaque frontale du président de la commission de wilaya concernée par le sujet. Le crêpage de chignons a, certes, été évité mais Me Beghidja a tenu quand même à faire part de son indignation, parvenant d'ailleurs à réunir autour de lui la quasi-totalité de ses pairs et des observateurs présents dans l'hémicycle.Cela étant, le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des sites de la vieille ville, au sens de l'acception coloniale, présenté à l'issue des deux premières phases réalisées par le bureau d'études «J. Kribèche» devait apporter un éclairage sur l'opération de réhabilitation dudit site, obéissant à la mesure gouvernementale prise en juin 2005 sériant celle-ci (la vieille ville) comme périmètre urbain à protéger. Les limites de la zone à sauvegarder allant des gorges du Rhumel à Bardo, en cernant les escarpements rocheux et le centre-ville jusqu'à hauteur de la maison de la culture Mohamed-Laïd-Khalifa sur une superficie de plus de 85 hectares. L'étude a débuté en septembre 2008 consécutivement à un ODS émis à la même époque et suite à un appel d'offres en ce sens lancé une année auparavant. Dans l'imaginaire populaire, seule Souika est considérée comme vieille ville. Et si la présentation des phases étudiées s'étalait au-delà de ces limites, il n'en empêche que c'est le sujet qui a captivé l'assistance compte tenu des éléments précis communiqués, mais plus particulièrement de réalités qui échappent d'emblée à l'œil nu du citoyen lambda. Les spécialistes du bureau d'études ont fait le diagnostic des lieux en remontant loin dans l'histoire de la ville, en puisant dans les différentes cultures qui l'ont façonnée et en tenant compte des impératifs sociologiques posés dorénavant par un monde qui bouge très vite. En somme, la modernité. Paradoxalement la méthodologie, voire les compétences du bureau d'études ont été remises en cause par des universitaires spécialistes en matière d'architecture, urbanisme. Ces voix extérieures ont été sollicitées par l'APW afin de débattre avec les représentants de la Direction de la culture et du bureau d'études des procédures entourant l'étude et surtout dans le but de ramener le débat à des normes vulgarisées qui permettraient aux profanes, que sont les élus, d'apprécier et, dans la foulée, de donner leur opinion pour ne pas dire approuver ou désapprouver ce qui a été fait. Or, comble de l'ironie, dans le préambule de son intervention, la responsable du bureau d'études avait déjà fait état de «l'approbation des deux phases». Face aux murmures déclenchés dans la salle, la déléguée de la Direction de la culture rattrapait le coup en soulignant : «En fait, l'approbation n'aura lieu qu'une foisl'étude aboutie, sachant que l'APW… Ce qui coule de sourc». L'intervention n'a, en réalité, convaincu personne et à la sortie, tout le monde s'accordait à dire que «le dossier est bouclé, les élus ont renâclé juste pour la forme. Ils ont l'habitude d'avaler des couleuvres», tandis qu'un observateur se demandait : «Où étaient ces élus depuis 2008 ? Les protestations d'aujourd'hui ne sont que de l'esbroufe et matière à consommer pour les médias.» S'agissant du premier constat de l'étude, la zone à protéger concernerait 1 164 habitations. 50% du parc immobilier serait dégradé : 575 habitations restant moins dégradées, 133 en bon état, 72 moyennement et 90 non enquêtées (opposition parfois avec violence des locataires). Côté vieille ville ou Souika, la partie basse serait dégradée dans son intégralité malgré l'existence de 115 maisons encore debout, 48 partiellement en ruine, 15 en ruine et 40 terrains vides.Pour l'intervenante, il y a nécessité de recourir à une «opération tiroir» qui consisterait à évacuer temporairement les habitants des demeures à réhabiliter. Les mesures d'urgence permettant cette sauvegarde sinon le sauvetage d'un patrimoine historique, culturel et sociologique essentiel coûteraient plus de 330 milliards de dinars. Il n'en demeure pas moins que ce sera le tribut à payer pour matérialiser le grand projet de métropolisation de la ville de Constantine.