Synthèse de Hassan Gherab L'excédent commercial japonais a chuté de 86,6% en juillet, par rapport à juillet 2007, à 91,1 milliards de yens, notamment en raison d'une baisse des exportations vers les Etats-Unis où la demande marque le pas, ont rapporté jeudi dernier des agences de presse citant le ministère des Finances. Le solde des échanges commerciaux japonais s'est établi en juillet à 91,15 milliards de yens (560 millions d'euros), contre un excédent de 681,9 milliards de yens un an plus tôt. Les exportations ont augmenté de 8,1% et les importations de 18,2%. Les exportations vers les Etats-Unis ont, elles, diminué de 11,5%. Les exportations du Japon vers la Chine, hors Hong Kong et Macao, ont dépassé celles vers les Etats-Unis pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de la cinquième baisse mensuelle consécutive en glissement annuel. Les économistes s'attendaient en moyenne à une chute moins prononcée de 67%, selon un sondage réalisé par le quotidien Nikkei auprès de vingt-trois d'entre eux. D'autres économistes interrogés par Reuters prévoyaient, eux, une contraction de 62,9% à 252,5 milliards de yens. L'éventail des estimations est cependant extrêmement large, allant d'un déficit de 154 milliards de yens à un excédent de 542 milliards. Toutefois, les estimations positives ne peuvent éclipser les chiffres des résultats qui ne sont pas faits pour rasséréner les économistes et les responsables financiers japonais, notamment en ce qui concerne la conjoncture économique aux Etats-Unis, qui est pour le moins de mauvais augure tant pour l'économie mondiale que japonaise. En effet, l'économie américaine, dont l'évolution incertaine rejaillit sur le Japon, tracasse les membres du comité de politique monétaire de la Banque centrale nippone, qui aimeraient voir la fin du tunnel, selon les minutes de leur réunion des 14 et 15 juillet publiées hier. La BoJ a également fait part de craintes quant aux investissements des entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, un important moteur de croissance au côté des exportations et de la consommation des ménages. «Même si les investissements des grosses structures demeurent importants, il existe un risque qu'ils soient reportés à des jours meilleurs en fonction de l'évolution de l'environnement économique», a-t-elle averti. A l'issue de cette réunion, le comité avait décidé à l'unanimité de laisser son taux d'intérêt directeur inchangé à 0,5% pour soutenir la croissance, en dépit d'une accélération de l'inflation et de l'hypothèse -évoquée par un membre- d'un emballement prix-salaires qu'il appartient à la banque centrale de détecter et, le cas échéant, de conjurer. S'agissant de l'économie américaine, les sept membres présents de la Banque du Japon ont affiché leur inquiétude quant à la conjoncture économique des Etats-Unis qui est maussade. «Il existe une considérable incertitude pour estimer quand et comment va se calmer la spirale négative entre les structures financières, les cours des actions et l'économie», ont-ils estimé. Ils ont alors jugé que la crise des prêts hypothécaires à risque («subprime»), déclenchée un an auparavant aux Etats-Unis, n'était pas finie, les prix de l'immobilier continuant de baisser. «Il n'y a pas de signe montrant que les tarifs des logements ont touché le fond», écrivait mi-juillet dernier l'institution. «Les marchés financiers restent instables du fait de craintes vivaces de nouvelles pertes dans les institutions bancaires américaines et européennes, et à cause de la flambée des cours du pétrole», soulignait-elle également. Des membres de la banque centrale ont pointé du doigt les risques croissants de cette agitation sur l'économie japonaise dont la résilience a peut-être atteint ses limites. «Le ralentissement des économies étrangères semble commencer à avoir des effets négatifs sur les exportations japonaises et, par conséquent, il faut faire très attention», avaient mis en garde des membres. L'évolution de la situation économique aux Etats-Unis -qui a provoqué l'effet domino sur le reste des économies mondiales- leur a donné raison, puisque plus d'un an après l'éclatement de la crise des «subprime», le secteur financier américain s'est remis à trembler ces derniers jours, dans un nouvel épisode de faiblesse retardant davantage une sortie du tunnel, selon les observateurs. Alors que la planète financière avait commencé à espérer que le pire de la crise financière était passé, les nuages sont revenus couvrir l'horizon des groupes financiers américains cette semaine. «On ne sait pas quand la crise sera terminée. Il y a encore beaucoup de problèmes dans le système financier», affirme Gregori Volokhine de Meeschaert Capital Markets, ajoutant que «2009 n'est pas le pire des scénarios». Dépréciations et ventes d'actifs supplémentaires, nécessité de lever de l'argent frais et lourdes pertes prévues lors des trimestres à venir, tel devrait être le quotidien du secteur dans les mois à venir, annoncent les analystes. La prestigieuse banque d'affaires Goldman Sachs a considérablement abaissé mardi ses estimations de résultats pour 2008 pour les fleurons de la finance américaine que sont Lehman Brothers, Citigroup, Merrill Lynch, Morgan Stanley et JPMorgan. Le retour à la stabilité n'est pas attendu avant au moins un an, pronostique de son côté l'agence de notation financière Standard & Poor's. Le secteur financier américain a déjà perdu plus de 300 milliards de dollars depuis le début de la crise en 2007, selon les sources du marché. La valeur de l'indice bancaire de la Bourse de New York a été divisée par plus de deux en un an. L'action de la banque d'affaires Lehman Brothers, considérée comme la plus affaiblie, vaut désormais moins du quart de sa valeur comparée à août 2007. Les deux géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, malmenés par la chute des prix de l'immobilier et les défauts de paiement des ménages, ne valent quasiment plus rien en Bourse. Leur salut n'est désormais lié, selon les analystes, qu'à une possible nationalisation de plus en plus évoquée par la presse et les marchés. Plus alarmiste, Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), affirme que la crise financière devrait provoquer la faillite d'une autre grosse banque américaine dans les prochains mois après Bear Stearns en mars. «Les Etats-Unis n'ont pas encore touché le fond de la crise. Le secteur financier a besoin de se consolider. Je ne pense pas que seules les petites et moyennes banques vont fermer les portes. Nous verrons aussi une grosse banque, l'une des banques d'investissement, s'écrouler», a-t-il déclaré au cours d'une conférence à Singapour, rapportent les analystes. D'autant que la crise financière n'a pas encore dévoilé tous ses visages. Circonscrite au départ aux crédits immobiliers accordés généreusement aux ménages fragiles ou «subprime», la crise financière est désormais nourrie par la détérioration des remboursements des dettes contractées par des personnes solvables, soulignent les analystes. Pis, elle devrait s'étendre à la détérioration des crédits accordés aux particuliers : emprunts de cartes de crédit, emprunts sur les locations de voiture et tout ce qui a trait à la grande consommation, avertit Marc Pado, de la Cantor Fitzgerald. «La crainte est qu'on passe d'une crise liée au départ à l'immobilier à une crise liée à la consommation», relève-t-il. En outre, si la Banque centrale (Fed) avait permis à la finance d'éviter la catastrophe à l'automne 2007 en baissant ses taux d'intérêt, l'institution a cette fois-ci les mains liées par le bond historique de l'inflation, font observer les analystes. Baisser ses taux et courir le risque de favoriser l'inflation ou les relever et être accusée d'enfoncer l'économie ? Tel est le dilemme de la Fed. «La meilleure chose que la Fed puisse faire dans l'immédiat, c'est de racheter les mauvaises dettes des banques», estime M. Pado.