De notre correspondant à Constantine A. Lemili Nous l'évoquions dans l'édition de samedi dernier. Les «Journées du film indien» prévues du 13 au 15 novembre au palais de la culture Malek Haddad de Constantine avaient très peu de chances de créer l'émeute et pour cause, l'indifférence quasi-naturelle des Constantinois d'une part et le manque de professionnalisme des responsables de la culture qui se résumerait à l'absurdité de l'organisation d'une action à 72 heures d'un évènement majeur comme l'Aïd ou encore à faire faire l'impasse à des jeunes d'aller courir après un ballon, aux familles d'aller vers des lieux champêtres par une journée automnale baignée d'un soleil radieux comme il n'en existe nulle part ailleurs. Pour qui connaît Constantine, l'indifférence de ses habitants est, à la limite, légitime, dans la mesure où sevrés de cinéma depuis plus d'une dizaine d'années compte tenu de la fermeture de toutes les salles de spectacles, et que des manifestations ponctuelles du genre de celle de samedi ne risqueront jamais de drainer les foules. Constantine, c'est également une demi-douzaine de salles de cinéma fermées et pour certaines sinistrées. Or, il existait très peu de chances de voir les festivals narcoleptiques à répétition de malouf, de poésie féminine, aïssaouas de les faire changer d'avis. Et enfin, Constantine est une ville atomisée. Désagrégée, sa population est répartie sur l'ensemble des villes satellites qui la ceinturent avec leur lot de contraintes dont le transport aléatoire et l'insécurité sont les deux facteurs essentiels qui font que se déplacer dans un rayon de 20 kilomètres équivaut à une odyssée. Cela n'en devient que plus hypothétique si la manifestation est programmée à partir de 16h, autrement dit l'heure à laquelle les gens ont pour habitude de rentrer chez eux.D'autre part et en conclusion, l'information a été quand même bien timide et a touché très peu de gens même si la radio locale a été mise à contribution.Le directeur de wilaya de la culture qui a rejoint le palais du même nom a eu assez de peine à dissimuler une crise et n'a pas trouvé mieux que de s'en prendre à la population locale ou du moins à son intelligentsia à laquelle il reproche son détachement par rapport à la «chose culturelle» et indirectement au journaliste de la Tribune d'user de la critique sans contribuer à l'émergence de la culture. Or, ce qui s'est passé le jour de l'ouverture des journées du film indien est l'exactitude même de ce qui avait été écrit par anticipation. D'une part, il n'y avait pas de public, exception faite de quatre journalistes (El Bilad, la Tribune, un preneur d'images et une journaliste de l'ENTV) et un jeune spectateur qui a d'ailleurs préféré rentrer chez lui dès lors que les problèmes techniques n'arrêtaient pas de se multiplier un quart d'heure après l'extinction des lumières. Absence d'images et seule disponibilité du son initialement et inversement par la suite, disponibilité de l'image et pas du son. Et pour qui sait que les films indiens reposent sur le son et plus particulièrement les chansons à profusion qui en constituent le support, il était dès lors peu évident de comprendre quelque chose à la trame, hormis le fait d'esquisser un sourire forcé au vu des pitreries de l'un des membres de la tribu Kapoor. Précisons toutefois que, pour le film inaugural, il était franchement difficile de déterminer à partir de quelle bobine avait démarré la projection dans la mesure où il n'y avait pas de générique.Dans le même article de samedi dernier était évoqué le risque, allègrement évacué au demeurant par le directeur du palais de la culture dont nous ne partagions pas l'optimisme, de dysfonctionnement d'un équipement auquel il n'était recouru qu'occasionnellement et sans qu'entre-temps lesdites installations soient vérifiées et encore moins entretenues. «C'est incroyable, pas plus tard que dans la matinée, nous avons fait des essais et cela marchait à merveille», s'évertuait à soutenir, sans doute à raison, le directeur du palais sauf que le constat était là, implacable. Encore heureux alors qu'il n'y ait pas eu invasion du public. Comme quoi «à quelque chose, parfois malheur est bon».Le couac enregistré dans l'organisation des Journées du film indien n'est en fait qu'un détail dans une ville que tous les responsables politiques viennent gargariser de «sanctuaire de la culture, des arts, des sciences, des lumières» sans connaître en réalité ses réalités…tristes réalités. Dans ce cas de figure, le ministère de la Culture est loin d'occuper un strapontin.