Allons-nous assister à la résurrection du cinéma en Algérie après une quasi-disparition des salles obscures algériennes? L'annonce de la probable arrivée de l'entrepreneur français est-elle la solution? Au moment où le cinéma algérien est en crise et que la distribution est en difficulté, on apprend de source sûre que l'opérateur français Lemoine, spécialiste des multiplexes cinéma, va investir en Algérie en ouvrant un multiplexe cinéma au niveau du nouveau centre commercial près de l'hôtel Hilton. Jean-Pierre Lemoine, amoureux du cinéma, est un entrepreneur averti; il a déjà investi au Maroc dans un multiplexe à Casablanca, le Megarama, qui dispose de 14 salles pour une capacité totale de 3650 places pour une valeur globale de 19,3 millions d'euros. Jean-Pierre Lemoine propriétaire indépendant de multiplexs depuis plus de cinquante ans, a déjà trouvé un opérateur algérien qui partagera avec lui l'entreprise à 51% dans le cadre de la nouvelle circulaire du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sur les investissements étrangers. Cette opération, pour le moment secrète, n'est pas rendue officielle, car un autre opérateur était déjà sur le coup, le neveu de Youcef Chahine, Gabriel Khouri. Mais la nouvelle «disposition Ouyahia» a faussé ses calculs. Plusieurs tentatives pour ouvrir des multiplexes de cinéma en Algérie ont été lancés depuis l'Indépendance. Le plus ancien et le plus sérieux projet reste celui de Gaumont dans les années 70, vient ensuite celui proposé par Aracdy en 2003 à Boumerdès, mais le séisme est passé par là et le projet fut abandonné. Depuis, des tentatives individuelles ont été proposées au ministère de la Culture, mais il manquait l'essentiel: le bailleur de fonds. Il faut dire que la principale cause de la crise du cinéma algérienne est l'absence significative de salles. Les salles obscures sont considérées par les spécialistes comme la première source d'entrée financière pour les producteurs de films de cinéma. L'Algérie, qui était le leader dans le Maghreb avec 424 salles en 1962, est en très grande perte de vitesse dans ce domaine. Le chiffre est tombé à 304 salles en 1977 et à 30 salles en 2009, dont 19 appartiennent au réseau de la Cinémathèque algérienne et qui sont pour la plupart fermées. Alger, qui avait encore 52 salles en 1977, il n'en existe plus que 7 en activité qui projettent des films en 35mm: 4 salles appartiennent à l'Oref, deux à l'APC d'Alger-Centre, 1 à l'Onci. Alors qu'il y a 4 autres salles tenues par des privés, qui font de la projection vidéo et qui ne payent aucun impôt à l'Etat algérien. Les deux salles de la Cinémathèque d'Alger sont fermées depuis plusieurs années. Depuis la dissolution du Caiic en 1999, qui était l'entreprise qui se chargeait de la distribution et l'exploitation des films en Algérie, on a vu la venue de 5 distributeurs locaux. Les plus actifs reste MD Ciné, Cirta Film, Kinomax et Sora Production. Ces distributeurs se sont entendus pour diversifier le choix des films: MD Ciné pour les films américains de la FOX, Cirta Film pour les films américains de la Warner Bross, les films égyptiens et libanais, Kinomax pour les documentaires de qualité et les films d'animation, et Sora Production pour les films français. Mais malgré cette entente, les distributeurs locaux ont buté sur le manque de régulation des exploitants de salles et ont surtout dû faire face au marché parallèle du piratage de DVD. Les 4 distributeurs n'exploitent en fait que 4 salles de la capitale. La plus rentable reste l'Algeria, tenue par l'Opca de l'APC d'Alger-Centre et cela malgré le fait qu'il n'y ait que trois séances de projection journalière. Les séances de 20h et 18h ont disparu du paysage culturel algérois pour différents impondérables. Ce qui fait une perte pour les distributeurs qui se disputent souvent la salle Algeria. Les événements avec des sponsors restent donc la seule rentrée d'argent possible pour ces distributeurs. Certains n'hésitent pas à vendre carrément le film pour rentrer dans leurs frais. La venue d'un multiplexe va-t-elle régler le problème des salles en Algérie et faire les affaires des distributeurs? Selon ces derniers, la réponse est non. Ils redoutent que l'opérateur Lemoine ne prenne le monopole de la distribution comme il l'a fait au Maroc. En fait, l'opérateur français va diffuser les films en version numérique et par satellite, comme c'est le cas aux Etats-Unis et cela pour éviter tout piratage. Aucun film ne sera diffusé en 35mm ou presque. Ce qui exclurait toute participation des distributeurs locaux. Pour le moment, le ministère de la Culture aurait donné son accord de principe pour ce projet et souhaiterait que celui-ci soit plus important que celui de Casablanca. Lemoine vise la classe aisée et la classe moyenne algéroise, consommatrice de cinéma. Pour cela, il envisage de construire un salon de thé d'entracte et des restaurants autour du multiplexe avec des franchises connues comme Quick, pour attirer plus de clients. Si c'est le cas, les familles algériennes vont réapprendre à sortir la nuit et aller au cinéma comme dans toutes les capitales du monde.