Au-delà des manifestations et des dérives constatées sur le terrain au cours de ces émeutes, c'est le vide énorme et le déficit criant en matière de représentativité et de légitimité des cadres d'expression qui sont à déplorer à l'issue de ces incidents qui ont secoué différentes régions du pays. Dans la rue et dans le feu de l'action, maires, chefs de daïra et autres responsables de la wilaya cherchaient désespérément des interlocuteurs crédibles et fiables à même d'infléchir la situation au sein même des quartiers. La réponse a été cinglante. Seuls les charlatans et les représentants de comités de quartier et autres responsables de partis politiques qui n'ont aucune prise sur le réel étaient sur le terrain véhiculant mensonges et contrevérités. Pour les responsables locaux, c'était l'impasse totale. L'état investit dans ces carcans vides et des cadres, comités de quartier fantoches, associations partisanes déconnectées de tout ancrage social et représentations de notables qui n'ont d'assises sociales que le discours. Les dirigeants du pays ont par le passé tout mis en œuvre pour casser et disloquer toute forme de représentativité et d'expression à telle enseigne qu'il n'existe pas, en Algérie, aujourd'hui, une quelconque force politique ou autre capable de fédérer la société. En dehors des discours des organisations syndicales et autres, c'est la société algérienne elle-même qui a décidé de prendre la parole, sans protocole et sans cérémonie. En effet, la désapprobation citoyenne des actes de vandalisme et des casses survenus au cours de ces derniers jours a été générale, contrairement aux dernières émeutes qui se sont produites lors de la relégation du MCO en seconde division. Les manifestations ont, paradoxalement, suscité la désapprobation générale des citoyens et des habitants de la ville d'Oran. Dénonçant la cherté de la vie et les conditions sociales, de plus en plus désastreuses, ils n'ont pas cautionné les dérives constatées au cours de ces derniers jours. Les dénonciations et les désapprobations ont été unanimes. «Ils n'ont pas à casser les biens du peuple. C'est vrai, la vie est devenue très chère et hors de portée. Peut-être qu'il y a des gens qui ne savent pas qu'il y a des Algériens qui ne mangent pas tous les jours à leur faim. C'est une réalité. Mais cela ne justifie en aucun cas le recours à la casse, mais explique beaucoup de choses», note un septuagénaire, O. Ahmed, retraité de la police. Dans le quartier d'El Hamri, une femme, prise entre les jets de pierres et les forces de sécurité, poussait des cris stridents avant d'être secourue par deux agents. «Ce n'est pas comme ça que nous allons régler quoi que ce soit. Ce sont plutôt des délinquants. Mais, mon fils, on ne croyait pas que notre pays allait nous lâcher comme ça. C'est devenu invivable», notera une quinquagénaire qui vit dans une maison menaçant ruine dans ce quartier populaire très chaud. Pour ce commerçant, dans le quartier de Petit Lac, B. Hamid, quinquagénaire, la situation est explosive. «La veille, ils avaient volé des câbles pas très loin. Alors, j'ai décidé de monter la garde. Je ne vous cache pas que je suis sorti dans la nuit avec mon épée. Des gamins de 17 et 19 ans arrachaient les câbles électriques de 380 volts. Je leur ai crié dessus et ils sont repartis», nous confiera-t-il. «Les jeunes sont fougueux et très actifs, ils ont pris à leur charge de dénoncer cette situation sociale ambiguë, mais ils n'ont pas su négocier le déroulement et l'issue des manifestations», notera Kamel, 38 ans, cadre à la Sonelgaz. «Nous sommes réduits à penser uniquement au manger. Moi, je gagne bien ma vie avec mon mari, mais on ne vit pas. Il n'y a pas que le sucre qui est cher. Tout est devenu cher. Le yaourt a doublé, la menthe, le persil, les légumes, le poisson, n'en parlons pas. Tout a augmenté. Pourquoi on parle uniquement de sucre et d'huile», s'insurge une jeune cadre paramédicale, C. Houaria, 45 ans.