Photo : S. Zoheir Par Hasna Yacoub Au quatrième jour des émeutes qui ont secoué l'ensemble du pays, faisant trois morts et 400 blessés, dont 300 policiers, un semblant de retour au calme a été enregistré. A Alger, les citoyens, alertes et méfiants, attendent la suite des événements. Nombre d'entre eux partagent totalement les revendications des émeutiers, mais rejettent la casse. Certains à l'ouest de la capitale se sont même organisés pour contrer les pilleurs qui ont sévi dans toutes les communes. D'Aïn Benian à Baraki, les actes de violence et de saccage sont visibles sur tous les édifices et structures publics et privés. «C'est triste toute cette violence. Ce n'est pas de cette manière qu'on règlera quoi que ce soit», ont déclaré de nombreux Algérois. Ils ne sont pas les seuls. Dans plusieurs régions du pays, cet avis est partagé. A Tizi Ouzou où les troubles ont gagné Draa Ben Khedda, Tadmaït et Aïn El Hammam, causant plusieurs blessés et des dégâts considérables, les citoyens se plaignent des actes de vandalisme et de pillage dont se rendent coupables certains casseurs. «Je soupçonne une machination politique à base d'intérêts énormes derrière ce qui arrive dans la capitale Alger. Il y a de la provocation, c'est sûr, les jeunes sont encore une fois utilisés comme chair à canon», pense le responsable d'une association locale qui a invité les émeutiers à s'organiser et à se prendre en charge pour éviter le pire. Dans cette wilaya, les troubles se poursuivent et risquent même de se propager à d'autres localités. A Béjaïa, l'écrasante majorité des citoyens se disent être d'accord «sur le fond et non pour la forme». Ces derniers dénoncent les scènes de pillage et de vol dans plusieurs localités qui se poursuivaient hier. Ce rejet des actes de vandalisme a été exprimé un peu partout par les citoyens des villes du pays : Aïn Defla, Constantine, Bouira, Oran ou encore Annaba. Dans cette dernière wilaya, ces actes ont dépassé la désolation. Les émeutes qui ont secoué la Coquette dans la journée de vendredi jusqu'à tard dans la soirée d'hier ont mis la ville dans un état désastreux. La rue tente de reprendre peu à peu vie avec cependant une certaine appréhension puisque des attroupements de jeunes étaient encore visibles au niveau des cités. Ces derniers continuaient, hier encore, à narguer et à provoquer les forces de l'ordre déployées sur les lieux. «C'est honteux, a dit un père de famille, ce n'est pas de la sorte qu'on peut obtenir quelque chose, on peut manifester son mécontentement, son désarroi ou son désaccord de manière pacifique. Qu'est-ce que cela rapporte quand on casse tout ?» Alors que le calme semble revenir au centre et à l'est du pays, les habitants de Tlemcen ont commencé hier à déverser leur colère. Quelques manifestants aux quartiers périphériques de Sidi Saïd et Imama ont été dispersés par les forces de sécurité sans qu'aucun dégât ne soit occasionné aux biens publics et privés.Il est à rappeler que, vendredi dernier, quatre producteurs ont annoncé la baisse des prix de l'huile sans que cela apporte pour le moment l'effet escompté, à savoir le retour au calme. L'appel au calme lancé par les partis politiques ou encore la société civile semble également n'avoir aucun effet. Face à cette dégénérescence de la situation, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M. Daho Ould Kablia, a annoncé la décision de l'Etat de sévir. Qualifiant les actes des manifestants d'«agissements criminels à travers lesquels les jeunes se sont attaqués à des édifices publics et ont pillé des commerces» et que ces actes obéissent à des «instincts revanchards, ce qui n'a rien à voir avec les problèmes économiques», le ministre a indiqué que les interpellations ont été entamées et que les tribunaux seront saisis à cet effet pour punir les auteurs de ces actes. Mais les émeutiers qui refusent le langage de la répression, contre lequel ils se sont d'ailleurs révoltés, semblent attendre la réaction du Premier ministre sinon celle du chef de l'Etat. D'ailleurs, les conclusions de la réunion interministérielle, qui s'est tenue hier, n'ont toujours pas été rendues publiques au moment où nous mettons sous presse. H. Y. Lire également pages 2 à 9 et 24