De notre envoyé spécial à Tamanrasset Samir Azzoug Les étoiles brillent plus à Tamanrasset. Qu'elles soient artistes, astres ou personnalités scientifiques, leurs «éclairages» sont sublimés par la capitale de l'Ahaggar. Elles guident les participants à la seconde édition du Festival international des arts de l'Ahaggar dans un univers aussi varié, complexe et ravissant que fragile. Car, si la nature et le formidable génie d'adaptation de ses habitants ont réussi, des millénaires durant, à faire de cette région un gigantesque musée à ciel ouvert, le manque de sensibilisation et de conscientisation ainsi que les dommages collatéraux occasionnés par la mondialisation (le modèle unique) risquent de faire subir à ses patrimoines culturels et naturels le sort de l'Atlantide. Il paraît qu'elle a existé !Mais les descendants des Touareg résistent tant bien que mal à l'usure du temps et, pour l'heure, à la tentation du modèle unique, dit civilisé. Par leur tenue traditionnelle, leurs comportements socioculturels où les notions de l'espace et du temps, ils diffèrent des gens du Nord : les Chnawa. La participation des habitants de Tamanrasset aux activités de la seconde édition du Festival international des arts de l'Ahaggar dénote l'importance qu'ils accordent à la sauvegarde de leur environnement, de leur culture et savoir-faire ancestraux. Jeunes et moins jeunes, les hommes comme les femmes ont marqué de leur présence les différentes activités du FIAA 2011.A ciel ouvert, comme leur environnement-musée, ils ont dansé dans une ambiance saine, du 11 au 14 janvier, à la place du 1er Novembre, en plein centre-ville, jusqu'à des heures tardives de la nuit. Fiers de leur patrimoine oral et musical (adapté aux instruments modernes), ils ont montré leur approbation aux troupes venues des régions ou de pays limitrophes pour célébrer leur identité. Bambino, Vieux Farka Touré, El Ferda, Amadou et Mariam, Diwan Baba Merzoug ont chanté l'amour, la bravoure et la sagesse des hommes des grands espaces. L'aridité de l'atmosphère fertilise l'imaginaire. L'étendue de l'espace ouvre grande la voie de l'esprit. On ne peut rester insensible. Vendredi 14, l'ambiance change d'espace pour s'implanter au campement d'Aguenar, à 8 km du chef-lieu de la wilaya. Abrité sous le «monticule» hyponyme, le camp regroupe l'essentiel de l'art, du savoir et du savoir-faire locaux. Des ateliers de danse, de chants, d'artisanat, de sciences, de contes et autres installés sous des tentes disposées autour de la clef de Tamanrasset dessinée sur le sol guident le visiteur dans les tréfonds de la «civilisation» touareg et vers la scène de spectacle. Inauguré par le wali de Tamanrasset et le président de l'Office du parc national de l'Ahaggar (Opna), Farid Ighilahriz, avec des danses ilougane de dromadaire et du tindé, le microcosme targui, renforcé par des installations «modernes» en provenance du Nord, est une réussite.Avec El Ferda, Diwan Baba Merzoug, Joe Batourie et Moj, l'expression corporelle des centaines de Tamanrassetis venus des régions voisines a répondu à l'appel des sons du désert. Sous le ciel étoilé de Tam, les soirées reprennent. «Il y a un projet de mise en place d'une réserve internationale du ciel étoilé, en collaboration avec le Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag), l'Opna et des spécialistes du domaine pour 2011», a annoncé Farid Ighilahriz dans une conférence intitulée «le ciel patrimoine de l'humanité» avant-dernière de la série qui a duré du 11 au 14 janvier. «En Europe, on ne voit plus le ciel. La pollution lumineuse touche toutes les cités du monde», explique Hamid Aïchoun, conférencier spécialiste en astrologie. C'est pour cela que l'Ahaggar, «lieu de vieux savoirs et d'observation du ciel très précis transmis» est une aubaine pour les chercheurs et les amateurs d'astronomie. «L'Ahaggar gagnerait à être classé réserve internationale de ciel étoilé. Par sa position géographique, qui permet l'observation de toute l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud moins 22 degrés et ses avantages atmosphériques (moins d'humidité et de pollution lumineuse), il recèle un véritable potentiel en matière de tourisme scientifique», a argué M. Aïchoun. Ainsi classé, le patrimoine (ciel) sera protégé sans notion d'appropriation et suscitera peut-être des vocations, a-t-il espéré. Le message est lancé, mais doit-on toujours le relayer ! La conférence sur la communication et le patrimoine sous le thème «à la recherche du temps jadis» pose la question. En citant l'exemple du site de Petra en Jordanie, qui a résisté pendant des siècles et subi des détériorations importantes depuis son ouverture au public et la gloutonnerie des grands tour-opérateurs du tourisme, Ahmed Bejaoui met le doigt sur un dilemme : quelle campagne mener pour préserver le patrimoine. Vaut-il mieux vivre caché ? Pour l'heure, ce ne sont que des questions. Si une notion devait être prise comme dénominateur commun aux différentes ommunications présentées par de grands chercheurs et spécialistes de la conservation des patrimoines, ce serait celle-ci : même si des avancées notables sont réalisées, la tâche est alambiquée et l'approche complexe. Il n'existe pas de nomenclature établie, avérée et adaptable en temps et espace pour la conservation du patrimoine qu'il soit culturel, matériel ou immatériel ou alors naturel.En attendant de trouver des réponses aux difficultés, le camp d'Aguenar accueille toujours ses visiteurs et la fête continue. Car il s'agit de la célébration et de la reconnaissance d'une nation.