Photo : Riad Par Hassan Gherab Un proverbe arabe dit que le livre est le meilleur compagnon dans la solitude. Pédagogues, didacticiens et éducateurs renchérissent en soutenant que c'est un véhicule du savoir et de la connaissance dont l'importance n'est plus à démontrer. Puériculteurs, psychologues et pédopsychiatres ajoutent que la lecture est un fertilisant pour l'imaginaire de l'enfant. Le livre est donc un outil de développement mental et intellectuel, c'est une fenêtre sur le monde, réel et/ou imaginaire, que nous ne pouvons ni devons négliger ou fermer .Or, en Algérie, on l'a tout simplement muré. La lecture a depuis longtemps été exclue de l'école algérienne et de la politique de l'éducation. Il aura fallu attendre 2010 pour voir enfin les ministères de la Culture et de l'Education s'accorder sur la réintégration, à partir de la prochaine rentrée scolaire, du livre de lecture dans les programmes scolaires des trois paliers. Les élèves devront désormais lire quatre ouvrages au moins durant l'année. Indéniablement, pour l'avoir depuis si longtemps demandé, c'est la décision que beaucoup de parents d'élèves attendaient et qu'ils saluent évidemment.Mais les enseignants et les pédagogues mettent un bémol. Réintroduire la lecture dans les programmes scolaires est, certes, la meilleure des choses, s'accordent-ils à dire, toutefois, il faut garder en vue la particularité de la matière et, surtout, prendre en considération la surcharge des emplois du temps et des programmes qui doivent être allégés et/ou réaménagés. Ce n'est pas en mettant d'autorité un livre entre les mains des élèves qu'on éveillera en eux l'intérêt de lire. La lecture doit d'abord être une activité ludique et distractive pour «accrocher» l'enfant. «Il faut former les enfants à la vertu et aux lettres dans un esprit libéral et cela dès la naissance», déclarait Erasme en 1529.L'enseignant et les livres proposés à la lecture doivent par conséquent répondre à ces axiomes, ce qui nous ramène aux capacités (niveau ?) des enseignants et au choix des ouvrages qui seront inscrits au programme. A cela s'ajoute la nécessité de mettre les livres à la portée des enfants. Car l'objectif - on voudrait le croire - n'est évidemment pas d'obliger les élèves à lire quatre ouvrages par an, mais bien de les amener à faire du livre un compagnon de tous les jours. Aussi est-il nécessaire que chaque école, chaque CEM et chaque lycée ait sa bibliothèque bien pourvue, ce qui, de plus, résoudra ce problème récurrent de cherté du livre. Si tous ces paramètres sont réunis, la lecture aura de fortes chances de reprendre sa place non seulement à l'école mais au sein de la société. Dès lors, elle pourra jouer son rôle dans le développement social. Le livre n'a-t-il pas été l'atout majeur de «la République des lettres». Cet idéal sera porté par le développement de l'imprimerie, mise au point vers 1455 par Johannes Gutenberg à Mayence, qui, en augmentant le nombre de livres mis en circulation et à coûts réduits, facilitera la diffusion des textes. Le siècle des Lumières, le XVIIIe, reprendra l'idée de ce monde idéal où n'importe qui pouvait s'installer «pour peu qu'il exerçât l'un des deux attributs de sa citoyenneté, à savoir l'écriture et la lecture. Aux écrivains de formuler des idées, aux lecteurs d'en apprécier le bien-fondé». Mais la République des lettres, qui était censée offrir à tous l'accès au savoir et à la littérature, se révélera comme un mythe, beau, certes, mais irréaliste et irréalisable. Parce que les sociétés d'alors étaient cloisonnées, stratifiées, les arts et la culture étaient réservés aux privilégiés. A bien y regarder, trois siècles après, ça n'a pas beaucoup changé. Aussi faut-il, si on veut le changement qui nous rapprochera un tant soit peu de cet idéal de la République des lettres, réussir à amener tous nos enfants à adopter ce livre compagnon, qu'on doit évidemment mettre à sa portée.