Photo : S. Zoheir Synthèse de Sihem Ammour Le deuxième volet de la trilogie réalisée par Larbi Benchiha sur les essais nucléaires de l'armée de la colonisation française en Algérie, intitulé l'Algérie, de Gaulle et la Bombe, a été projeté mercredi dernier au Centre culturel algérien (CCA) à Paris en présence d'un nombreux public, rapporte l'APS. Diplômé en philosophie à l'université de Besançon, Larbi Benchiha a travaillé comme journaliste pour France 3 Ouest. On lui doit une douzaine de documentaires traitant de thèmes de société. Le documentaire l'Algérie, de Gaulle et la Bombe a été précédé de la réalisation en 2008 de Vent de sable : le Sahara des essais nucléaires, alors que le troisième est en cours de réalisation.Lors de cette projection au CCA de Paris, le réalisateur a expliqué que c'est le 13 février 1960 à 7h04, sous le nom de code militaire «Gerboise bleue», qu'a eu lieu, à Reggane, le premier essai nucléaire français mené dans le Sud algérien.Le tir est aérien et sa puissance est quatre fois supérieure à la bombe d'Hiroshima. Larbi Benchiha a précisé que cette explosion atmosphérique s'est faite contre l'avis des trois puissances atomiques de l'après-guerre (Etats-Unis, URSS et Grande-Bretagne,) qui venaient de signer un moratoire contre les essais atmosphériques et la France était visée directement par ce moratoire. Mais de Gaulle voulait à tout prix que la France soit dotée de bombes et tenait à lui garantir un rang dans le club très fermé des puissances nucléaires atomiques. Trois autres tirs, intitulés «Gerboise blanche», « Gerboise rouge» et «Gerboise verte» suivront rapidement. Durant 52 minutes, le documentaire présente de nombreux témoignages accablants de personnalités algériennes et françaises, dont d'anciens négociateurs des accords d'Evian, d'historiens, d'anciens militaires de carrière français, de soldats du contingent et de quelques membres de la main-d'œuvre algérienne mise à contribution pour réaliser ce sinistre projet. Tous ces témoignages mettent en exergue le fait que les conséquences continuent à ce jour d'affecter lourdement la santé de nombreuses familles qui vivent toujours dans un environnement radioactif.Le documentaire explique aussi qu'après ces premiers essais, selon une clause des accords d'Evian, même après l'indépendance de l'Algérie, en 1962, treize autres essais auront lieu jusqu'en 1966. Ils sont, cette fois, souterrains, parmi lesquels le tir «Béryl» qui échoue et libère le 1er mai 1962 un nuage radioactif contaminant et l'environnement et les personnes. Lors des débats, Roland Desbordes, président de la Commission indépendante sur les radiations (CRIIRAD) a affirmé que «les victimes algériennes des essais nucléaires sont dans une situation telle qu'ils n'ont aucun droit de regard sur les archives pouvant prouver leur présence sur les lieux des explosions ‘‘Gerboise bleue''. Il a rappelé à cet effet que la France a mis sous le sceau du secret toutes les archives relatives à la période des essais nucléaires, datant de 1960 à 1966, y compris les rapports médicaux sur la situation sanitaire à Reggane soulignant que «par une loi de juillet 2008, la France a décidé de classer secret défense pour l'éternité toutes les archives des essais nucléaires français en Algérie car elle veut tourner une page d'histoire qu'elle n'entend plus revoir». Pour sa part, Ammar Mansouri, chercheur en génie nucléaire, a déploré l'absence d'études épidémiologiques qui permettent de déterminer le degré de contamination. Il a déploré aussi le fait que la loi française reconnaissant et indemnisant les victimes des essais nucléaires a une portée «fort limitée et ne répond pas aux revendications algériennes quant au droit des populations du Sahara». L'histoire du nucléaire commence en France dans les années 1945 pour le général de Gaulle qui avait déclaré : «Qui n'a pas la bombe n'existe pas.» La France choisira le Sud algérien, propriété coloniale, pour ses essais et 17 explosions auront lieu, la plupart à Reggane. Larbi Benchiha démontre que cette zone d'essais, pas aussi inhabitée qu'on a voulu le faire croire, ne fut pas décontaminée par l'armée française lors de son départ. A ce jour, il existe encore des victimes de cette exposition aux radiations, au sein de la population de cette région. Larbi Benchiha relève aussi l'impact sur l'environnement, en soulignant que «si la puissance des explosions a causé des déplacements tectoniques, voire des séismes, elle a aussi altéré l'architecture des foggaras (système ancestral d'irrigation souterraine) ; la propagation des particules radioactives a souillé pour longtemps la région».