Photo :S. Zoheir Par Hasna Yacoub Alger est en ébullition. Pas seulement parce que des centaines de citoyens ont décidé de marcher hier. Non. Un peu partout dans la capitale et dans d'autres villes du pays, ça bouillonne. Fatigués des promesses qui ne se réalisent jamais, des déclarations de responsables qui ne semblent être faites que pour alimenter les informations télévisées, des citoyens ont décidé de prendre leur destin en main en allant squatter des logements fermés. Ainsi, après l'occupation «illégale» de cités construites et fermées depuis plusieurs années à Béjaïa, Tipasa et Souk Arhas, c'est au tour de la cité Mokhtar-Zerhouni, sise aux Bananiers à Alger, d'être squattée. Dans la soirée de jeudi à vendredi, des centaines de familles, occupant pour certaines des bidonvilles, partageant, pour d'autres, un logement avec d'autres familles, ont décidé de faire sauter les serrures de dizaines d'immeubles de la cité, de forcer les portes des appartements et de s'y installer. Au début, ce sont des habitants des quartiers limitrophes des Bananiers qui, face à la promiscuité et à la non-prise en charge par les autorités locales de leurs demandes de logements, ont décidé d'occuper ces appartements. Des logements si près de chez eux, et qui sont vides depuis longtemps. La rumeur a vite circulé et des centaines d'autres familles des quartiers de Soummam, Tribou, Lidou ou encore Douzy ont rejoint la cité Mokhtar-Zehnouni pour s'approprier un logement. Hier, dans la cité, des dizaines de camions des services de sécurité étaient sur place. Ces derniers encerclaient les lieux, assez loin des squatteurs. Des dizaines de jeunes d'à peine vingt ans qui occupaient les ruelles ont provoqué quelques escarmouches avec les policiers. En réalité, selon les nouveaux locataires de la cité Zerhouni, il ne s'agit pas des enfants des squatteurs, mais de jeunes venus d'autres quartiers de la capitale et qui, arrivés trop tard, n'ont pas réussi à occuper un logement. Ils tentaient vainement d'accéder à deux immeubles, épargnés jusque-là par les squatteurs qui ont constaté que les appartements étaient meublés. Ces tentatives vaines face au mur humain des policiers ont provoqué une situation explosive dans le quartier. Toutes ces familles qui ont squatté la cité - près de 800 selon leurs propres dires - aspirent à ce que les autorités viennent constater, après enquête, la situation dramatique dans laquelle elles vivaient. «Nous étions quatre familles sous le même toit», disent les uns, «nous vivions dans des baraques», affirment les autres. Et pour démontrer leur droit au logement, leur droit de vivre dignement en Algérie, les familles «squatteuses» ont toutes accroché le drapeau national à leurs fenêtres. Une manière de revendiquer leur légitimité même si leur acte de s'approprier le logement reste «illégal». Ce qu'il faut souligner dans cette affaire, c'est le fait que la cité Mokhtar-Zerhouni, 980 logements construits par l'OPGI d'Hussein Dey, n'a connu qu'une livraison partielle de près de 300 unités. Cette cité a été réalisée en deux parties. Une première a été inaugurée par le président de la République en 2004 et une deuxième partie, inaugurée toujours par le président Bouteflika en 2008. Depuis cette inauguration, plus aucune attribution officielle de ces logements dont l'entretien et les frais de gardiennage coûtent énormément à l'Etat. Il y a près d'une année, lors d'un reportage sur les lieux, il a été appris que dans cette cité, au cœur de nombreuses convoitises, beaucoup de passe-droits ont eu lieu. D'aucuns avaient affirmé que ces logements sociaux locatifs auraient même été attribués à des personnes grâce à leurs «connaissances» ou encore à leurs «postes de travail». Les racontars avaient assuré même que les bénéficiaires ne sont pas originaires de la wilaya d'Alger. Des interventions de hauts cadres étaient sur toutes les lèvres depuis quelques mois déjà et faisaient chauffer à blanc des citoyens dans le besoin et qui n'ont que «leurs yeux pour regarder», faute d'avoir «le bras long». Pourtant, éviter les racontars est une chose facile. Il aurait suffi de suivre la réglementation dans l'attribution de logements sociaux locatifs. Mais il semble que la cupidité de certaines personnes, à tous les niveaux et échelons de la société, sera la mèche qui allumera le feu si une décision de la plus haute instance de l'Etat n'intervient pas dans les plus brefs délais pour l'éteindre.