Les cours du brut s'envolent, conséquence directe des troubles en Libye, un pays exportateur très important et dont la production pétrolière tourne autour de 1,7 million de barils par jour. Si la crise s'y installe dans le temps, les marchés pétroliers se verront privés de ce volume d'hydrocarbures et, du coup, les prix vont flamber dans des proportions nuisibles à la croissance de l'économie mondiale. C'est la crainte exprimée par nombre d'observateurs et d'institutions internationales, dont l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Celle-ci se déclare «très inquiète» de l'impact potentiel que pourrait avoir l'augmentation des cours du pétrole sur la croissance économique mondiale. «Nous sommes très inquiets de l'impact potentiel, si les prix restaient à ce niveau élevé pendant une longue période», a souligné David Fyfe, responsable de la division industrie et marché pétroliers de l'AIE, cité par des agences de presse. Le baril de brent a frôlé les 120 dollars jeudi dernier, son plus haut niveau depuis août 2008, poussé notamment par la crise libyenne. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de «light sweet crude» (WTI) pour livraison en avril progressait de 46 cents, à 97,47 dollars. Il avait grimpé jeudi jusqu'à 103,41 dollars le baril, un sommet jamais atteint depuis deux ans et demi. Si les prix du pétrole restaient à 100 dollars le baril en moyenne durant toute l'année 2011, les dépenses pétrolières seraient équivalentes à 5% du produit intérieur brut mondial, a-t-il fait savoir. «Quand nous avons atteint ou dépassé ce niveau dans le passé, cela a coïncidé avec un ralentissement de l'activité économique», a-t-il ajouté. A l'heure qu'il est, la production pétrolière libyenne est réduite de vingt-cinq pour cent, alors que le gaz acheminé vers l'Italie a été complètement coupé, une information évoquée par des médias et des sources diplomatiques. Client traditionnel, l'Italie consomme quinze pour cent du gaz libyen, le reste étant assuré par l'Algérie et la Russie. Dans cette situation confuse - et elle risque de l'être davantage si jamais le régime libyen met le feu aux puits de pétrole, comme l'avait fait Saddam Hossein après l'invasion du Koweït -, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) réfléchit à des scénarios possibles à mettre en pratique, en cas de crise majeure sur les marchés. D'évidence, les regards se tourneront vers l'Arabie saoudite, un pays qui dispose de grandes capacités de production. Celle-ci se montre disponible à rouvrir davantage les vannes si l'approvisionnement est perturbé. Seulement, cela pourrait poser quelques problèmes d'ordre organisationnel car, pour mettre en place toute la logistique en matière de transport des hydrocarbures et réunir les membres de l'Opep, pour décider d'un réaménagement de l'offre pétrolière, cela prendra quelques semaines, voire quelques mois. L'Algérie, dont le volume de production n'a rien de comparable avec celui de l'Arabie saoudite, a affirmé également qu'elle est disposée à mettre plus de pétrole sur le marché si c'est nécessaire. Cependant, aux dires de certains, l'Opep va accroître sa production pour répondre aux perturbations en Libye, mais il lui sera plus difficile de réagir à de nouvelles crises en raison de la diminution de ses capacités de production excédentaires. C'est pourquoi des observateurs estiment que le risque d'une extension des troubles à l'Arabie saoudite est une inquiétude bien plus sérieuse que la Libye pour le marché ; c'est une hypothèse évoquée d'ailleurs par nombre de spécialistes. Un tel scénario pourrait avoir de sérieuses conséquences pour les prix, soulignait Tamas Varga, de PVM Oil Associates. Et si cette inquiétude se concrétisait, les records de 2008 (plus de 147 dollars le baril) paraîtraient très vite plutôt bon marché, avançe-t-elle. Pour le moment, les prix du brut devraient plutôt reprendre leur souffle, estiment toutefois certains analystes. Après plusieurs jours d'envolées successives, un recul des prix ne doit pas apparaître comme inattendu. Il s'agit d'un marché extrêmement volatil, avec une forte propension à des achats euphoriques et à des ventes affolées, et vice-versa, commentait le courtier américain Cameron Hanover. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que de 500 000 à 750 000 barils par jour de brut, soit moins de 1% de la consommation mondiale quotidienne, ont jusqu'à présent été retirés du marché en raison des violences en Libye. Y. S.