Les émeutes de chômeurs à El Bouni (Annaba) et à Bousmaïl (Tipasa) ou l'intransigeance des étudiants qui menacent de recourir à une grève illimitée sont à prendre très au sérieux. Car, dans ce cas, la donne se complique. Il ne s'agit plus de revendications simplement alimentaires qu'on peut plafonner à loisir. Ni de réclamations politico-politiciennes sans encrage populaire faciles à décrédibiliser. Là, il y a urgence. Deux facteurs essentiels sont déterminants dans ces «faits divers» rapportés dans les colonnes de la presse. Ils ont pour qualifiants impatience et enhardissement. La main de fer dans un gant de velours, attendue de tout gestionnaire d'affaires publiques, a fortiori de l'Etat, s'est considérablement ramollie. A la somme de reproches que font les différentes couches de la société en matière de gestion socio-économique, les pouvoirs publics lâchent du lest. Beaucoup de lest. Ce qui aura pour effet de voir surgir d'autres demandes encore plus problématiques. Et toujours plus insatiables avec une insistance croissante pour deux raisons. D'abord l'enhardissement. L'exemple des étudiants en grève en est symptomatique. Avoir eu gain de cause sur l'annulation du décret présidentiel 10-315 et sur la classification des diplômes lors du dernier Conseil des ministres n'a pas mis fin aux manifestations. Bien au contraire, d'autres exigences socio-pédagogiques sont relevées et la pression maintenue sur le gouvernement. Tant que le fer est chaud, semblent-ils penser. Ensuite, il y a l'impatience. Les annonces successives en matière de lutte contre le chômage, la distribution de locaux et de logements aiguisent les appétits. Des plus saines et légitimes aux plus voraces et injustifiées. De l'espoir naît l'impatience. Celle-ci, tout comme la colère, est mauvaise conseillère. Les citoyens envahissent les structures locales pour bénéficier de ces aubaines. Et ils les attendent au tournant. Repus du langage bureaucratique, des promesses non tenues, ils ne souffriront aucune explication basée sur le délai, l'attente ou la «patience». Le cas de l'émeute de Bousmaïl en est l'exemple type. Pas d'entourloupe ni de faux-fuyant. «Le Président a dit», rétorquent-ils aux interlocuteurs directs. L'impatience est une soif qu'aucune justification n'étanche, écrivait Eric-Emmanuel Schmitt. Devant le volume et l'importance des décisions prises par le dernier Conseil des ministres, le peu de temps imparti à l'administration pour divorcer d'avec ses vieux réflexes et l'intransigeance des citoyens, le risque est gros de voir, dans les semaines à venir, d'autres scènes de violence se généraliser sur le territoire national. Et les forces de l'ordre qui font dans la dispersion avec «amabilité» ne font plus craindre les frondeurs. Et puis, dans la vie, il n'y a pas de solution. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent, dixit Antoine de Saint-Exupéry. S. A.