Charles-Robert Ageron, considéré comme le plus grand historien de l'Algérie colonisée, est décédé mercredi dernier à l'âge de 85 ans après une longue maladie alors qu'il était pris en charge à l'hôpital Kremlin-Bicêtre de la banlieue parisienne. L'anticolonialiste obstiné, l'érudit consciencieux et «le chercheur infatigable», comme aimait à le qualifier l'un de ses confrères, Daniel Rivet, s'en est donc allé après bien des années de vie consacrées à la conquête de ces vérités du passé qu'il voulait faire résister à l'oubli et au passage dévastateur du temps. De l'Algérie de 1947 qu'il découvre pour la première fois, c'est l'image noire de la réalité coloniale qu'il gardera dans son esprit alerte. L'image d'une société musulmane algérienne anéantie par le joug de l'administration coloniale. Il se plaira à analyser cette réalité qui a certainement dû le bouleverse humainement. Mais il n'en transparaîtra rien dans son œuvre. Dans son travail d'historien, point de lyrisme ou de critique doctrinaire mais seulement rigueur et objectivité pour la mise en valeur de la vérité. Retour sur le parcours de celui qui voulait lever le voile sur la vie de l'Algérie au temps des Français, de l'opinion française et de la question coloniale. Né en 1923 à Lyon, Charles-Robert Ageron a fait des études d'histoire. Jeune agrégé, il est nommé en 1947 au lycée Théophile-Gautier à Alger. En 1957, il devient professeur au lycée Lakanal de Sceaux, puis de 1959 à 1961 attaché de recherches au CNRS. En 1961, il obtient le poste d'assistant puis de maître-assistant à la Sorbonne, où il enseigne jusqu'en 1969. En 1968, il soutient sa thèse d'Etat intitulée les Algériens musulmans et la France 1871-1919, sous la direction de Charles André Julien, un autre historien qui a su marquer la recherche sur l'histoire de l'Algérie durant l'époque coloniale. Maître de conférences, puis professeur à l'université de Tours de 1969 à 1981, puis à l'université Paris XII dont il a été longtemps professeur émérite, Charles-Robert Ageron s'est retiré, ces dernières années, du fait de sa maladie, de la vie intellectuelle et universitaire française après avoir également présidé la société et la revue françaises d'histoire d'outre-mer. En 2000, un colloque réunissant à la Sorbonne plusieurs dizaines d'historiens des quatre coins du monde avait rendu hommage à l'érudition et à l'esprit méthodique de l'historien incontournable qu'il a été. Ses obsèques auront lieu la matinée de mardi prochain à l'église Saint Leonard à l'Hay-les-Roses. Parmi ses nombreuses publications figurent les Algériens musulmans et la France 1871-1919, le Gouvernement du général Berthezène à Alger (1831), Histoire de l'Algérie contemporaine (1830-1988), Gambetta et la Reprise de l'expansion coloniale, Politiques coloniales au Maghreb, l'Anticolonialisme en France de 1871 à 1914, France coloniale ou parti colonial ? Histoire de l'Algérie contemporaine (1871-1954) et l'Algérie algérienne de Napoléon III à de Gaulle. F. B.