De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Entre 150 et 200 personnes se sont rassemblées samedi dernier sur la place El Kahina (ex-Cathédrale) pour se recueillir à la mémoire du professeur et militant des droits de l'Homme, Ahmed Kerroumi, et exiger que la vérité soit rapidement faite sur les conditions de sa mort, survenue entre le mardi 19 et le samedi 23 avril.«Les institutions de la République doivent impérativement faire la lumière sur les circonstances qui ont conduit à l'assassinat d'Ahmed Kerroumi», a interpellé Ghanem Mohamed, enseignant à l'université d'Oran et ami du défunt, en s'interrogeant sur les motifs du silence des instances concernées : «Quand un militant politique meurt, des questions se posent et appellent des réponses rapides. Alors pourquoi ce silence et pourquoi aucune information n'est venue apporter un peu de lumière ?»Depuis la découverte du corps, le samedi 23 avril dans les locaux du MDS, aucune déclaration officielle n'a encore été faite sur les circonstances qui ont entouré cette tragique affaire. Un silence qui a ouvert la voie à des racontars et des rumeurs parfois très difficiles pour la famille et les proches d'Ahmed Kerroumi. «Une conférence de presse du procureur général aurait sûrement empêché tout ce tapage et épargné aux proches du défunt des souffrances supplémentaires», ont estimé les manifestants en appelant à une réaction rapide de la justice.Evidemment encadrée par un impressionnant dispositif de sécurité, la manifestation qui a eu lieu à l'appel de la CNCD d'Oran – structure dans laquelle feu Ahmed Kerroumi évoluait également depuis le tout début - a aussi été l'occasion de rappeler que la lutte pour une République démocratique continue malgré la répression et les intimidations. «Nous allons multiplier les demandes jusqu'à ce que nous arrachions notre droit d'exprimer notre opinion librement et sans entraves», a notamment affirmé Kaddour Chouicha, l'un des responsables de la CNCD, en déplorant que la demande pour l'organisation d'une marche silencieuse à la mémoire de Kerroumi, introduite au niveau de la wilaya d'Oran, n'ait reçu aucune réponse. «Les services de la wilaya peuvent rejeter notre demande mais ils doivent motiver leur décision par écrit. Or, ils s'y refusent parce qu'ils savent parfaitement qu'ils sont en violation de la loi et que nous n'hésiterions pas à les poursuivre en justice», a tonné l'orateur en avertissant contre les retours de manivelle.D'abord installés en silence sur les marches de la Cathédrale surplombant la place El Kahina en brandissant les portraits du défunt, les manifestants - dont certains ont tenu à faire le déplacement depuis d'autres wilayas - ont ensuite fait une tentative de marche très rapidement empêchée par les forces de l'ordre, sous les yeux de passants indifférents. «Un jour, tout le monde rendra compte devant l'Histoire, et ce jour-là, ceux qui nous oppressent et nous refusent nos droits par les intimidations et la violence devront assumer pleinement leurs actes. Et les arguments du genre ‘‘pressions et ordres venus d'en haut'' ne suffiront pas à les justifier», a lancé M. Chouicha à l'adresse des policiers.Après lecture de témoignages par quelques amis et étudiants du défunt, les manifestants se sont dispersés dans le calme sur la proposition de baptiser la bibliothèque du nom d'Ahmed Kerroumi et la promesse de continuer la lutte jusqu'au bout.