Photo : S. Zoheir Par Samir Azzoug Près d'un millier d'étudiants ont été pris en étau par les services de police au niveau de la Fac centrale d'Alger, hier. Répondant à l'appel à la marche lancé la semaine dernière par la Coordination nationale autonome des étudiants (CNAE), ils étaient plusieurs centaines d'étudiants à tenir tête aux forces de l'ordre. Ces derniers, plus que de coutume, ont littéralement quadrillé le centre-ville. Dès les premières heures du matin, les hommes en uniforme bleu et leurs véhicules ont envahi les rues et les ruelles de la capitale. Les camions et autres blindés étaient dissimulés dans les ruelles adjacentes à la rue Didouche-Mourad et Larbi-Ben-M'hidi. Equipés du parfait attirail antiémeutes avec casques, boucliers et matraques - fait nouveau, puisque pendant les manifestations précédentes, rares étaient les policiers qui exhibaient ces gourdins -, des cordons de sécurité étaient disposés à différents endroits, principalement au niveau de la Grande Poste d'où devait s'ébranler la marche prévue par la CNAE en direction du palais du gouvernement, à quelque deux kilomètres de là. A 10 heures, le coup d'envoi de la marche fut annoncée. Au niveau de la Grande Poste, la tension était palpable et les agents de police obligeaient les citoyens à presser le pas. Les jeunes qui avaient le profil d'étudiant - comme si c'était une menace - faisaient systématiquement l'objet d'une vérification d'identité. Beaucoup se sont vu intimer l'ordre de rebrousser chemin. Que vérifiaient les policiers ? Faut-il une autorisation spéciale pour se rendre à Alger ? 10h30, un brouhaha se fait entendre à quelques centaines de mètres du lieu de rassemblement prévu. Une brigade de police antiémeute accourt vers la Fac centrale pour épauler leurs collègues. Plusieurs centaines d'étudiants sont arrivés de la rue Didouche-Mourad pour être pris en étau par un double cordon de matraques. Le portail de la Fac reste fermé et les étudiants empêchés de sortir pour rejoindre les manifestants. Une double prise. Des étudiants encerclés sur la voie publique et d'autres pris en otage à l'intérieur de l'enceinte universitaire. A plusieurs reprises, les manifestants tentent de forcer le dispositif policier des deux côtés, la répression s'abat alors avec la force des bâtons. Près d'une vingtaine de jeunes garçons et filles sont blessés dont un bon nombre ayant nécessité l'évacuation. Un étudiant, grièvement blessé au niveau du cou, était ensanglanté. Certains affirment qu'il a été blessé par un bouclier et d'autres soutiennent qu'il a tenté de se suicider.Révoltés par la répression, les manifestants qui scandaient des slogans hostiles à la gestion des affaires de l'université, revendiquant le droit de manifester pacifiquement, ont adopté une nouvelle forme de contestation cette fois-ci politique en dénonçant la répression policière. Après un sit-in et une chanson sur les «funérailles de l'université algérienne», «le chômage après le diplôme» et «l'immolation en fin de cursus», les étudiants ont tenté de forcer le dispositif policier. Ils ont quitté les lieux vers 14 heures pour se réunir quelques minutes au niveau des arrêts des bus de transport universitaire à Tafoura. Là aussi, les forces de l'ordre avaient quadrillé l'espace. Le 12 avril 2011, près de 100 000 étudiants ont réussi à marcher de la Grande Poste au siège de la présidence de la République. Cette deuxième tentative a été empêchée par la répression policière. Leurs revendications portent essentiellement sur la démocratisation de l'université, la classification des diplômes et la correspondance entre l'ancien système d'enseignement et le nouveau (LMD). Cette fois, les étudiants se disent également choqués par le fait que dans son dernier discours à la nation, le président de la République n'a fait aucune allusion à l'université, ni aux étudiants. «Pourtant, nous avons complètement paralysé la capitale quelques jours seulement avant le discours», s'étonne l'un d'eux.