Décidément, même les prix à trois chiffres ne semblent plus en mesure de résister à la montée vertigineuse des cours du pétrole. Du coup, les 100 dollars le baril comme seuil fatidique d'il y a quelques semaines à peine semblent appartenir déjà à l'histoire conjuguée à l'imparfait. Cap déjà sur un baril à 200 dollars au rythme d'une ascension qui efface et recommence les records au quotidien, jusqu'à les banaliser, poussant les experts et autres analystes à ne plus hésiter à passer aux prévisions les plus «insensées» il y a quelques années. D'autant que les facteurs sont de plus en plus nombreux et crédibles pour conforter ces mêmes prévisions, notamment en ce mois de mai 2008 où le pétrole a grimpé de 35 dollars. Soit l'équivalent du prix même d'un baril d'il y a un peu plus de deux années et qui constituait déjà un record en la matière. Un mois de mai fou et une semaine du même mois qui vient de s'achever sur une cadence de marché encore plus folle. Une semaine historique qui a vu les prix culminer à la haute et intenable altitude des 135 dollars, et un peu plus que cela. Sur fond de débats et d'analyses où la polémique aura joué le rôle principal, notamment lorsqu'elle met en confrontation les pays gros consommateurs et l'Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). Une fois encore, et plus que jamais auparavant, l'OPEP est accusée d'être à l'origine de la hausse continue des tarifs. Même si la dépréciation du dollar revient très souvent au devant des facteurs qui dopent le marché, les pressions sur l'organisation se font de plus en plus régulières et se sont même accentuées la semaine dernière. Bien sûr, les Etats-Unis demeurent en tête des pays gros consommateurs qui ne ratent aucune occasion pour mettre l'Opep à l'index, lui reprochant, comme il est devenu coutumier, de ne pas augmenter sa production pour stabiliser les prix. S'exprimant devant le Congrès, le ministre américain de l'Energie a expliqué, jeudi dernier, que les seuils record atteints par les cours du pétrole sont le résultat d'une production insuffisante. Lors d'une audition consacrée à l'examen de la politique du président Bush en matière de gestion énergétique et les raisons de l'envolée des cours du pétrole, le ministre a précisé que la hausse des prix est due à la demande qui dépasse l'offre. Les déclarations du ministre américain interviennent au moment où le Congrès tente de promulguer une loi qui permette de poursuivre l'OPEP en justice selon la loi de l'interdiction du monopole. Les menaces américaines contre l'OPEP s'expliqueraient, selon le même responsable, par une tentative de l'administration américaine de fuir ses responsabilités face à l'envolée des prix du carburant qui ternit l'image des Républicains auprès des électeurs à l'approche de la présidentielle. Mais, de son côté, l'OPEP ne rate aucune occasion non plus de revenir à la charge et de démentir les accusations tout en rappelant, si besoin est, les véritables raisons de l'envolée des prix. Par la voix de son président, M. Chakib Khelil, l'organisation reste convaincue que la flambée actuelle est nourrie par la dévaluation continue du billet vert. Lors de sa récente intervention devant l'APN, le ministre de l'Energie et des Mines avait souligné aussi que cette situation de forte hausse des prix est due, par ailleurs, à la baisse de la production du brut dans les pays gros producteurs non OPEP tels la Russie, la Norvège et le Mexique. Il a, par ailleurs, expliqué que la consommation des produits pétroliers aux Etats-unis devra, à terme, augmenter davantage en raison des promesses électorales faites par les candidats à la présidentielle de novembre 2008 de baisser les taxes sur les carburants au profit des consommateurs américains. De plus, «la hausse des cours du brut est due aussi aux nouvelles donnes que connaît désormais le marché pétrolier à travers notamment la décision prise par l'Arabie saoudite de ne plus procéder à l'exploration de nouveaux gisements pétrolifères à partir de 2009», avait ajouté Chakib Khelil. Les déclarations de M. Khelil concordent, ainsi, avec des analyses concernant le marché pétrolier qui ont imputé les prix record du pétrole enregistrés, la semaine dernière, aux craintes sur les approvisionnements de gros producteurs comme le Nigeria qui connaît des troubles sécuritaires, à la demande grandissante des économies émergentes comme la Chine et à de nouvelles chutes du dollar suite aux rapports pessimistes de la Réserve fédérale américaine (Fed). Ces incertitudes coïncident avec l'annonce de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) selon laquelle la demande mondiale en pétrole atteindra lors des vingt prochaines années les 116 mbj, exprimant ses craintes d'un déséquilibre entre l'offre et la demande. Dans ce même ordre d'idées, le secrétaire général de l'OPEP, Abdallah El Badri, a réclamé, vendredi dernier, que le marché fixe des limites aux activités des spéculateurs responsables, selon lui, de la volatilité des cours du pétrole qui ont franchi cette semaine les 135 dollars le baril. «Les spéculateurs doivent être contrôlés. Il doit y avoir un contrôle financier et la fixation par le marché de limites» à leurs activités, a dit M. El Badri au cours d'une visite sur des champs pétrolifères équatoriens. Le même responsable au sein de l'OPEP a réaffirmé que cette envolée du brut n'était pas due à une offre restreinte, et l'a attribuée à la faiblesse du dollar, à la récession économique aux Etats-Unis et aux spéculateurs. Il a insisté sur le fait que la dépréciation du dollar contribuait à la volatilité des cours, car plus de 70% des transactions sur le marché pétrolier se faisaient en dollars. L. I.