Des informations en provenance de l'AIE montrent que les quotas de l'Opep ont augmenté de 1,86 million de barils par jour en février. Une situation paradoxale. Voire kafkaïenne. Les dirigeants de l'Opep ont-ils la mémoire courte? Ils ont dû recourir à trois baisses successives de leur production pour tenter de stopper l'effondrement des cours du pétrole. La discipline et le système de réduction des quotas auxquels sont soumis ses membres ne semblent pas être respectés. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les 11 pays concernés par ces mesures (hormis l'Irak) ont produit 26,7 millions de barils par jour. Ce qui se traduit par une augmentation de près de 2 millions de barils par jour par rapport à l'objectif qui était fixé. «Nous allons appeler à plus de discipline», a rassuré Choukri Ghanem, le chef de la délégation libyenne, un des «Faucons» de l'Opep. Le ministre saoudien du Pétrole n'a pas jugé utile d'aborder cette question. «Le marché est à l'équilibre, les prix sont excellents, les stocks baissent, quel besoin aurions-nous de changer quoi que ce soit? Nous sommes extrêmement satisfaits de l'état du marché pétrolier», a déclaré pour sa part Ali al Nouaïmi, lundi à son arrivée dans la capitale autrichienne. De son côté, le ministre algérien de l'Energie et des Mines voit plutôt d'un bon oeil l'évolution des cours de l'or noir. «Je m'attends à ce que les cours se maintiennent assez bien jusqu'à la fin de l'année malgré le surplus de production», a estimé Chakib Khelil. La dégringolade des cours de l'or noir en 2008 ressemble à un lointain souvenir. Elle s'est pourtant soldée par une chute spectaculaire et historique. Le baril de pétrole qui avait affiché un record absolu le 11 juillet: 147,27dollars à New York, s'est effondré pour atteindre cinq mois plus tard à peine, en décembre, 32,40 dollars. Les économies des 13 pays qui assurent 40% de la production mondiale de pétrole ont commencé à trembler. A commencer par l'économie algérienne qui dépend à 98% des recettes que lui procurent ses exportations en hydrocarbures. Dès le mois de septembre 2008, les pays membres de l'Opep prennent donc la décision de réduire leur production de 500.000 barils par jour. Elle s'est avérée inefficace puisque le baril de brut n'a pas tardé à repasser sous la barre symbolique des 100 dollars. Le danger plane toujours et les pays exportateurs de pétrole dont les économies sont dépendantes des richesses de leur sous-sol, l'or noir essentiellement, gardent en mémoire le douloureux souvenir de la crise asiatique des années 90. Les cours du pétrole avaient chuté jusqu'à atteindre le seuil fatidique des 10 dollars. L'Algérie l'a chèrement payé. Deux sévères plans de rééchelonnement lui ont été imposés par le Fonds monétaire international. Il fallait prendre le taureau par les cornes. Une seconde réunion s'imposait donc. Elle s'est tenue à Vienne, en Autriche, le 24 octobre, et s'est traduite par une baisse de 1 million cinq cent mille barils par jour. Elle n'a pu enrayer l'inexorable descente aux enfers du baril de pétrole. La crise financière faisait déjà des ravages. Elle allait toucher de plein fouet les marchés pétroliers et participer en grande partie à l'effondrement des prix. Le 17 décembre l'Organisation des pays exportateurs de pétrole se retrouve à Oran sous la présidence de Chakib Khelil, ministre algérien de l'Energie et des Mines. Lors de cette dernière réunion de l'année 2008 qui s'est tenue en Algérie, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole n'avait plus comme autre solution que de serrer ses vannes à nouveau. Aussi, elle décide de frapper très fort. La baisse de sa production annoncée est massive. Elle est même qualifiée d'historique: 2,2 millions de barils par jour. Ce qui porte à 4,2 millions de barils par jour les trois réductions successives qui ont été décidées depuis le mois de septembre 2008. Malgré ces mesures, le baril de pétrole sombre. Il affiche moins de 33 dollars. Sa résurrection a été longue et angoissante. Il a terminé lundi sous les 80 dollars plombé par un net redressement du billet vert. En pleine crise économique mondiale où la demande a sérieusement baissé, une réduction de la production n'aurait probablement pas eu d'effet positif sur les prix. Ils ont tendance à évoluer au gré de la parité du dollar par rapport à la monnaie unique européenne et des chiffres sur l'emploi et la consommation qui proviennent des Etats-Unis. La première économie de la planète consomme près de 20 millions de barils par jour. Selon Baker Hugues, qui opère dans une centaine de pays à travers le monde, l'Opep aurait augmenté sa production de 8,4% entre janvier et février. Elle a pompé 26,8 millions de barils au lieu des 24,84 fixés depuis le 1er janvier 2009. Quelles pourraient être les conséquences sur les cours du pétrole? «L'Opep doit faire ses preuves. S'ils ne respectent pas (ses membres, Ndlr) les quotas, nous allons voir des prix autour des 50 dollars d'ici 2015», a averti Leo Drollas, directeur adjoint du CGES basé à Londres et fondé par Cheikh Zaki Yamani, l'emblématique ancien ministre saoudien du Pétrole.