Sommet de la jeunesse africaine en Ethiopie: Hidaoui passe en revue l'expérience de l'Algérie en matière de prise en charge de la jeunesse    2e Salon international des dattes : plus de 180 exposants attendus du 21 au 23 novembre au Palais des expositions    APN: séance plénière lundi consacrée à la présentation et au débat du texte relatif à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets    Agriculture saharienne: 40 participants au concours d'innovation de l'ENSA    Judo: le Collège Technique national les 22-23 novembre à Oran    Match Algérie/Liberia : Tizi-Ouzou se pare des couleurs nationales pour un rendez-vous historique    L'armée sioniste lance de nouvelles frappes aériennes contre la banlieue sud de Beyrouth    Ghaza: 96 martyrs dans 6 massacres perpétrés par l'armée sioniste    Merad préside la cérémonie l'installation du nouveau wali d'Aïn Témouchent    Marche pro-palestinienne à Rio avant le sommet du G20    Les investisseurs appelés à contribuer à l'élargissement des structures touristiques dans la wilaya d'El Oued    La mise en place prochaine d'une société néocoloniale en France    Borrell entend proposer aux ministres des Affaires étrangères de l'UE de suspendre le dialogue avec l'entité sioniste    Les membres du Conseil de la Nation adoptent le texte de loi de Finances 2025    Rencontre à la Chambre des Lords sur le partenariat bilatéral    Les Verts reprennent le travail au CTN    Ligue 1 Mobilis (9e journée) : l'USMA rejoint le MCA en tête du classement, succès salutaires pour le NCM et l'ASO    Merad préside la cérémonie d'installation du nouveau wali de Mascara    Match Algérie-Libéria : mesures organisationnelles pour faciliter l'accès des supporteurs au Stade de Tizi Ouzou    Le rôle de l'association des Ouléma dans la préservation de l'identité nationale durant la période coloniale mis en avant à Djanet    Belaribi inspecte l'avancement des travaux de réalisation du nouveau siège du ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville    70e anniversaire du déclenchement de la Révolution : un parcours révolutionnaire jalonné d'étapes phares    Alger : 13 blessés suite au dérapage d'un bus de transport de personnel    SILA 2024: conférence à Alger sur l'écriture et la transmission de l'histoire    Inter-régions : Le RC Relizane règle ses dettes envers la LNFA    Saisie de plus de 2 quintaux de viande blanche avariée à Bendaoud    Plusieurs quartiers et cités privés d'eau depuis hier dans la commune d'El Matmar    Deux septuagénaires escroqués à Bir El Ater : un suspect arrêté et condamné    Le SC Nedroma vise le maintien    Le président de la République supervise la cérémonie de la 52e édition de la finale    L'Algérie appelle à une refonte du système international actuel de lutte contre le terrorisme    Les valeurs humaines et spirituelles de l'Emir Abdelkader mises en avant    Des professionnels de l'édition se penchent sur l'industrie du livre et l'économie culturelle    Un scénario macabre No pasarán !    Ami de la Révolution algérienne Villar Raphaël Luc n'est plus    Sortie de la 4e promotion d'agents de police    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Nous mangeons des excréments, et ça nous rend malades
Les bactéries se transmettent de l'animal à l'homme
Publié dans La Tribune le 16 - 06 - 2011

L'Escherichia Coli est de retour. Tous les ans, une attaque des aliments contre les humains nous paralyse, nous fait hésiter avant de croquer dans un concombre, une pomme ou une branche de céleri, et nous rappelle combien nous baignons tous dans un océan d'excréments. Cette année, toutes les sources concordent pour faire de l'épidémie d'E. Coli en Allemagne un événement unique en son genre. Ces deux dernières semaines, 2 000 personnes à travers l'Europe, et au moins quatre aux Etats-Unis, ont été infectées. Environ 500 d'entre elles ont développé un syndrome hémolytique et urémique -une complication habituellement rare qui endommage les reins et détruit les globules rouges- et 22 en sont mortes. En effet, pour E. Coli, cette épidémie semble avoir causé un nombre exceptionnel de malades, même si on est encore loin de la légendaire vague de salmonelle qui, en 1994, avait contaminé 224 000 consommateurs de crème glacée américaine. Compte tenu de la virulence de cette E. Coli, certains spécialistes es plateaux télé ont sous-entendu qu'il s'agissait peut-être de LA bactérie - super-toxique, super-résistante, super-tenace, jamais-vue auparavant, une sorte d'Armageddon microbienne. Pour parfaire le psychodrame, des agriculteurs espagnols furieux se mettent à déverser des légumes aux pieds des ambassades allemandes, des responsables de la santé publique effarés en appellent au calme, tout en prodiguant simultanément des conseils de prudence accrue (ie. de la paranoïa), et des experts médicaux maladroits montrent un visage moqueur à la télévision, comme s'ils venaient de gagner à la loterie. Tout le cirque habituel qui accompagne la plupart des catastrophes sanitaires, et qui pose cette question : devons-nous être sensiblement plus effrayé par la souche allemande que par n'importe quelle autre E. Coli ?
Pas de catastrophe
J'ai fortement l'impression que non - les faits n'attestent tout simplement pas d'un scénario catastrophe. Si toute nouvelle souche possède son lot d'imprévus, celle-ci semble se conformer à la fourberie d'usage d'E. Coli. La souche allemande porte le nom scientifique d'O104 (c'est ô-104, et pas zéro-104), suivant diverses caractéristiques de sa composition cellulaire. Et pourtant, elle provoque une maladie comparable à celle de la souche O157, qui était auparavant le premier agent des affections intestinales graves à E. Coli. Encore plus loin que son manque de nouveauté, l'élément principal montrant qu'il ne s'agit pas de LA bactérie, est le manque de cas secondaires ; la maladie s'est transmise à très peu, voire personne de ceux qui vivaient avec les malades, ou qui les soignaient. Inversement, l'intensité de certaines épidémies, telles le choléra, est alimentée par des cas secondaires (ou tertiaires, etc.), où un seul individu peut contaminer toute une ville. Avec la O104 allemande, la maladie est causée par l'ingestion de germes de soja (ou peut-être d'un autre aliment qui sera accusé plus tard), pas par l'hygiène douteuse de votre voisin. Et pourtant, nous voici au beau milieu d'un battage médiatique incroyable. Pourquoi tout ce foin ? Ce décalage s'explique par au moins deux raisons distinctes. La première, ce sont les motivations financières, toujours présentes et toujours perverses, du secteur de l'information, qui n'hésitera jamais à jeter de l'huile sur le feu dès que la moindre petite manifestation de panique se fera sentir. Pour eux, plus c'est énorme, plus c'est grave, et plus ils vendront de papier, plus ils généreront de clics, et plus leurs programmes seront regardés.
Nous mangeons de la merde, littéralement
Cependant, la principale raison est la suivante : si les gens tombent malades à cause de l'E. Coli, c'est parce qu'ils mangent de la merde. C'est simple, non ? On ne s'attarde quasiment pas sur l'explication la plus vraisemblable qui a fait que tant de gens ont été touchés par la souche allemande - ils ont probablement ingéré des quantités bactériennes inhabituellement élevées. Qu'importe l'aliment contaminé (des germes de soja ou des concombres, ou n'importe quoi d'autre), il l'était réellement, contaminé. Mais essayez de faire dire à Anderson Cooper que votre maladie vient du fait que trop de bactéries vivant dans le côlon d'un animal se sont retrouvées dans votre estomac. Réfléchissez à ceci : les épidémies américaines les plus récentes (d'O157, en général) ont toutes été de nature alimentaire - elles ont été causées par de la viande en conserve, des noisettes, du fromage, de la laitue romaine, et du bœuf. Et quel est le point commun entre tous ces aliments, à part leur caractère comestible ? Pratiquement rien d'autre, si ce n'est le fait qu'ils sont tous recouverts de merde. Les excréments font un merveilleux engrais - économique, abondant, et toujours à portée de main. Et c'est ainsi qu'ils se retrouvent sur des concombres, des tomates, et des baies (et des germes de soja), et sur quasiment tout ce qui pousse près du sol. Ils s'infiltrent aussi dans nos robinets, et contaminent l'eau que nous buvons, ou celle avec laquelle nous lavons nos légumes. Les vaches et les cochons, et tous les animaux que nous mangeons, sont eux aussi pleins de merde. Et il n'est pas surprenant, compte tenu de la brutalité avec laquelle nous les tuons, que leur contenu intestinal se retrouve sur leur coûteuses carcasses... et dans le hamburger que vous venez tout juste de manger. Malgré son nom français, un abattoir ne fait pas vraiment dans la dentelle de Calais. La merde, c'est volatile.
La nature ne nous aime pas
Dès lors, au lieu de nous dire franchement les choses, le CDC, Anderson Cooper, et tous les experts tournent autour du pot en médicalisant et en «scientifisant» cette vérité qui dérange, et en cherchant peut-être à provoquer le même genre de stupeur qui nous prenait pendant les cours de science, au lycée. Nous entendons parler de «transmission horizontale d'éléments génétiques», de «facteurs de virulence», et nous voyons les images grossies 100 fois de l'E. Coli sur une plaque de gélose, comme s'il s'agissait d'un cliché policier. Ils sont comme ces parents trop nerveux pour dire à leurs enfants comment on fait les bébés ; et qui finissent dans des tirades sur la méiose, les glandes reproductives, les ovules, et comment Maman et Papa s'aiment tellement fort... et qui ne font finalement que transmettre (et amplifier) leurs angoisses, sans donner la moindre information utile. Tandis que les choses se calment enfin à Hambourg, cela vaut la peine de se souvenir des premières épidémies d'E. Coli, qui touchèrent des restaurants comme McDonalds et Jack in the Box, dans les années 1980. Avec d'autres, elles avaient été causées par des hamburgers mal cuits, et ont fait connaître au monde entier, pour la première fois, l'E. Coli O157. Une fois débusquée, le comportement de cette bactérie avait de quoi faire froid dans le dos. Contrairement aux autres souches d'E. Coli, O157 avait emprunté un gène d'une bactérie complètement différente (la Shigella flexneri), qui produit la toxine de Shiga, à l'origine de la dysenterie. Cet échange amerloque d'éléments génétiques inter-espèces fit cauchemarder les scientifiques et montra comment l'évolution se jouait, là, sous notre nez, à Distorsion 7. Attention, les créationnistes, on ne rigole plus. L'actuelle épidémie allemande d'O104 est évidemment horrible, et tragique, mais elle n'a rien d'une menace nouvelle. Elle nous rappelle sèchement combien la vie est fragile, et les merveilles qu'une bonne plomberie peut faire. Et avant tout, la réalité scientifique d'E. Coli nous enseigne un fait encore plus terrifiant que la pire des épidémies : la nature ne nous aime pas. Elle ne nous déteste pas, mais elle ne nous aime pas. Au contraire, elle est parfaitement désintéressée, et ce depuis la nuit des temps.
K. S.
*Médecin à New-York


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.