Après 50 ans de censure sur le sol français, le film documentaire "Octobre à Paris" de Jacques Panijel, sortira enfin dans les salles parisiennes le 19 octobre prochain, à la faveur de la commémoration du 50ème anniversaire de la manifestation d'Algériens, réprimée dans le sang, sur ordre du sinistre préfet de police Maurice Papon, le 17 octobre 1961. Tourné dans la clandestinité, peu après les massacres du 17 octobre, interdit par les autorités françaises, y compris après la guerre de libération, ce documentaire apporte un témoignage accablant sur les violentes répressions infligées aux milliers d'Algériens sortis manifester pacifiquement contre le couvre feu qui leur a été imposé par Papon. S'ensuivirent des milliers d'arrestations, des centaines d'assassinats, dont de nombreux manifestants jetés à la Seine, après avoir été tabassés, des centaines d'expulsions et des plaintes classées sans suite. Jacques Panijel, alors secrétaire du Comité Maurice Audin qui militait pour l'indépendance de l'Algérie, tourmenté par l'ampleur de la répression décida de prendre sa caméra et recueillit les témoignages atroces de victimes et de témoins dans le bidonville de Nanterre, avec l'accord de la Fédération de France du FLN. Mêlant reconstitution des massacres et plans des bidonvilles de Nanterre ou du centre de torture de la rue de la Goutte d'or, "Octobre à Paris" retrace la préparation et le déroulement de cette manifestation sauvagement réprimée. Les témoignages sont en outre soutenus par les photographies prises par Elie Kagan, le seul photographe qui réussit cette-nuit-là à se fondre dans la nuit pour immortaliser l'extrême violence infligée aux manifestants. La fin de la guerre n'a pas arrêté les poursuites de l'Etat français contre le film et son auteur et les cinémas qui ont cherché à le projeter au cours de séances privées ou semi-publiques ont systématiquement subi l'intervention de la police, qui cherchait à confisquer les bobines . Biologiste et chercheur au CNRS, coocréateur avec Pierre Vidal-Naquet et le mathématicien Laurent Schwartz du Comité Maurice Audin, signataire en 1960 du Manifeste des 121 artistes et intellectuels français pour le droit à l'insoumission en Algérie, Jacques Panijel est décédé le 12 septembre 2010 à Paris d'une défaillance cardiaque. Il allait avoir 89 ans.