Penser sa ville, un slogan creux au vu de l'anarchie qui caractérise nos constructions depuis l'indépendance. Ce sont des cités dortoirs qui s'imbriquent pour ne laisser place à aucun espace de convivialité, à aucun aménagement en mesure de contribuer à l'embellissement des quartiers, voire à leur humanisation. Les villes sont mal conçues, elles étouffent sous des blocs de béton qui continuent de pousser dans le désordre, pourvu qu'on arrive à entasser le plus de monde possible, comme si c'est le seul moyen de résoudre le problème de logement. Personne n'ignore pourtant que le foncier s'est réduit comme peau de chagrin dans la capitale et dans les grandes villes du pays, et qu'en matière d'occupation des sols la population est massée sur seulement 20 % du territoire national. Ce qui revient à dire que c'est d'une refonte total que l'urbanisme a besoin au risque de voir s'installer une gigantesque bidonvilisation de notre pays. Les textes de lois élaborés jusqu'ici en matière d'aménagement et d'urbanisation souffrent de carences en termes d'application, quand ils n'ont pas tout simplement montré leurs limites. Le foncier agricole, que ces lois sont censées protéger, est détourné au profit d'une «rurbanisation» à outrance et de la réalisation de bâtiments qui n'obéissent à aucune architecture. Ce ne sont surtout pas ces décrochements offrant une image bizarroïde et donnant l'impression que des pans vont se détacher, tant ils sont proéminents, qui contrediraient les nombreux architectes affligés par l'absence d'un cachet propre à notre pays et dont l'avis n'est jamais pris en compte par les pouvoirs publics. C'est à croire qu'il suffit d'assembler des habitations et que l'acte de bâtir ne suscite aucun sens de l'esthétisme, encore moins un quelconque aménagement qui permettrait de construire intelligemment et d'améliorer le cadre de vie des citoyens. La pagaille qui règne dans ce domaine est telle que ces derniers (les citoyens) se rendent coupables de dépassements sans être inquiétés, en se donnant la liberté de réaliser, sans autorisation aucune, des extensions à leurs habitations, de construire sur les terrasses d'immeubles ou de poser une baraque là où bon leur semble. Ces pratiques se sont généralisées à tel point que toute tentative d'enrayer ce phénomène pourrait s'avérer vaine. C'est qu'on a laissé faire pendant trop longtemps, et, face à la crise de logement, le citoyen s'est substitué à l'Etat pour construire comme il peut et comme il veut. Les premières assises de l'urbanisme qui se tiennent depuis hier devraient servir de tremplin à une autre manière de bâtir, plus conséquente. Car le constat ne suffit pas. R. M.