Si le problème de la saleté au niveau de nos milieux urbains se pose avec acuité, la prolifération des décharges sauvages offre un spectacle hideux à nos villes, qui sont livrées à l'anarchie durant les dernières années. L'installation des bacs à ordures dans les grandes artères de nos grandes villes et à l'entrée de chaque quartier et des bâtiments n'a pas pu régler le problème de saleté dans nos milieux urbains, car des mains indélicates jettent leurs déchets n'importe où sans être inquiétées par quiconque. C'est parce qu'aucun travail de sensibilisation n'a jamais été fait par nos autorités locales, que nos agglomérations se sont transformées en véritables villes poubelles. Si certains de nos responsables locaux essayent de justifier la saleté de nos milieux urbains par le manque de moyens humains et matériels, malgré que certains services de gestions urbaines emploient plus de 600 personnes entre permanents et vacataires, d'autres mettent en avant l'incivisme de nos citoyens, même si souvent les multiples fuites d'eau et la détérioration des réseaux d'assainissement contribuent, avec le laxisme de nos autorités locales, à la détérioration de notre cadre de vie dans nos milieux urbains, car le ruissellement des eaux usées sur nos routes et nos trottoirs ne fait qu'aggraver la situation et ce laisser-aller par les services concernés de nos autorités locales a de fâcheuses conséquences sur la santé publique de nos citoyens qui s'en trouve constamment menacée. Comme souvent les eaux usées ruissellent sur les trottoirs des principales avenues de nos milieux urbains, qui sont déjà occupés par les vendeurs à la sauvette et les marchés informels, appuyés par des réseaux très influents et épaulés par les commerçants de gros, nos citoyens sont obligés de se disputer la chaussée avec les automobilistes, qui, eux aussi, éprouvent d'énormes difficultés à se frayer le chemin en plus des odeurs nauséabondes qui s'en dégagent. Cela malgré tous les différents programmes à milliards de dinars, financés par notre Etat pour redonner à nos agglomérations leur ancienne belle image, comme c'est le cas du lancement des opérations de « Blanche Algérie » et « TUP HUMO », où les milliards de dinars qui sont dépensés dans ce vaste projet semblent être partis en fumée, à l'instar de ce qui se passe à la prestigieuse ville de Chéraga, localité à vocation résidentielle, qui offre un spectacle lamentable au niveau de ses lotissements et où les comités de quartier portent un regard très critique sur leur cadre de vie car pour ce qui est de l'hygiène, l'amoncellement d'immondices de toutes sortes et de déchets ménagers attire les mouches et les maladies infectieuses parce que l'évacuation des ordures ménagères se fait tous les trois jours, si ce n'est pas plus quelquefois. Comme partout dans notre pays, les emplacements des espaces verts et des aires de jeux sont devenus de véritables dépotoirs car toutes les promesses des responsables de I'APC de cette agréable ville sont restées lettre morte à ce jour, et cela, malgré le fait que le budget alloué à cette localité soit colossal pour la réussite de l'amélioration du cadre de vie de ses citoyens. A l'instar de la ville de Chéraga, notre capitale, qui disposait en septembre 2004 de plus de 110 milliards de dinars pour son programme de développement, est devenue aujourd'hui aussi moche que nos autres agglomérations, au point d'être jugée en public comme une ville loin d'être moderne par notre ministre de l'Intérieur car l'hygiène et la salubrité publiques sont mal prises en charge par les services de nettoyage urbain de la wilaya d'Alger, malgré que les dernières mesures d'urgence, qui ont déployé et mobilisé un effectif de plus de 10 400 agents et 2700 camions de différents tonnages, ont éradiqué plus de 1800 points noirs d'insalubrité et ont évacué plus de 500 000 tonnes de déchets ménagers, détritus et gravats. A l'aube de l'indépendance et jusqu'au début des années de la gestion anarchique, notre pays était fier de la qualité de son cadre de vie en milieu urbain, car nos responsables locaux continuaient à maîtriser le savoir-faire et gérer nos milieux urbains et à considérer les aménagements urbains comme partie prenante de l'amélioration du cadre de vie des citoyens. Mais aujourd'hui que l'Algérie compte 39 centres urbains de plus de 100 000 habitants, 40 villes de plus de 50 000 habitants et 120 autres de moindre densité, nos milieux urbains étouffent car l'absence d'hygiène a pris une proportion alarmante, comme si nos responsables locaux ignorent que le socle sur lequel se bâtit un aménagement urbain est avant tout les espaces publics. L'espace public, dont la naissance est liée à la notion de démocratie telle qu'elle s'est développée à partir du XIXe siècle, se fonde sur une coupure juridique entre le public et le privé, suite à l'abandon de l'art urbain où il a été considéré comme un espace résiduel et que durant la période du courant fonctionnaliste, il s'est limité, en pratique, à sa fonction dominante de déplacement. Or, en réalité, il assume un rôle majeur d'ordonnateur des constructions formant l'espace urbain, de cohésion sociale et de metteur en scène de l'identité historique, culturelle ou paysagère. Son impact est important sur l'image valorisante ou repoussante du milieu urbain parce que c'est l'espace qui devrait être pensé en premier, car il est continu, structurant et générateur de l'agglomération urbaine, de la superposition des morphologies sociales, historiques, plastiques et des paysages naturels et artificiels qui contribuent à l'élaboration de sa valeur pour qu'il se révèle porteur de sens pour les usagers et devient appropriable par ceux qui y vivent, y travaillent et il participe ainsi à former les notions d'identité et de citadinité dans l'espace urbain qui acquiert avec le temps une identité propre, des qualités spécifiques, mais qui doit aussi pouvoir évoluer et retrouver un autre usage sans être constamment fait ou défait, d'autant que les sols, les façades, les volumes, les couleurs, le mobilier, la verdure, les plateaux d'eau… se modifient au fur et à mesure du déplacement du piéton pour former un enchaînement d'espaces. Si aujourd'hui, en Occident, la notion d'espace public a pris une telle ampleur et une telle richesse grâce à la diversité de ceux qui sont intervenus sur lui, tels que les urbanistes, les architectes paysagistes, les éclairagistes, les artistes, etc., et qui l'ont abordé chacun selon son point de vue, dans notre pays, les espaces publics, qui sont souvent considérés aujourd'hui comme des places publiques où ont coutume de se retrouver nos personnes âgées à la retraite, se réduisent comme une peau de chagrin au sein de nos agglomérations, à l'instar de la place Kennedy à El Biar, qui a été escamotée dans les années 1980 afin de construire un centre commercial, pour ne laisser à nos vieux qu'un petit bout d'espace, qu'ils doivent partager avec les camelots, car nos aménagistes, tels que les architectes et les urbanistes, ne semblent pas savoir maîtriser la diversité des espaces publics pour en faire une approche paysagère, qui permettra de contribuer largement à enrichir l'analyse urbaine et la lecture des espaces urbains, par la compréhension de la formation, de l'évolution et des différentes transformations et substitutions que connaît le paysage en rapport avec les différentes couleurs et lumières du milieu urbain. C'est parce que nos citoyens sont dans un monde et nos autorités locales dans un autre, comme s'il y avait une étanchéité effarante entre les administrateurs et les administrés. Cela parce que nos responsables locaux en charge des affaires d'aménagements urbains sortent rarement de leurs bureaux, que les aménagements de nos milieux urbains ne sont plus une organisation globale et concertée de l'espace public, destinée à satisfaire les besoins des citoyens, en réalisant des équipements adaptés et en valorisant les ressources naturelles et celles du patrimoine historique, mais une sinistrose qui l'a emporté sur le bien-être des citoyens et des constructions en béton sur la verdure au point que la notion de l'amélioration urbaine n'est plus le chaînon du dialogue entre les autorités centrales et locales pour intégrer les urbanistes et les architectes paysagistes dans le cadre de la politique de l'amélioration du cadre de vie des citoyens en milieu urbain. Comme près de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes de taille moyenne et des grands centres urbains et qu'au cours des 25 prochaines années, la quasi-totalité de l'accroissement démographique interviendra dans les zones urbaines des pays en développement. Dans notre pays, si 31% de notre population vivaient dans nos zones urbaines en 1966 et 58% en 1998, le monde rural représente, aujourd'hui, un patrimoine important pour l'avenir de notre pays car à la fin de 2005, le poids de la population rurale des 979 communes, sur les 1541 que compte notre pays, était de 13,3 millions, soit 40% du total de nos habitants actuels et avec 70% de la population qui a moins de 30 ans, ce qui représente une bonne opportunité pour nos autorités concernées de mettre en œuvre une vraie stratégie de développement rural gagnante, avec les 4 milliards de dollars US dégagés dans le cadre du programme des Hauts-Plateaux, afin de combler le vide laissé par la dernière stratégie qui a déjà coûté, entre 2004 et 2005, plus de 3 milliards de dollars US sans donner une réelle évolution à nos milieux ruraux malgré que nos autorités concernées estiment qu'elle a touché plus de 200 000 ménages grâce au lancement de plus de 1743 projets de proximité de développement rural. Devant la situation difficile qui existe au sein de nos 979 communes rurales, le renouveau rural est plus que jamais d'actualité parce qu'il a pour objectif de fournir le cadre et les modalités d'une revitalisation progressive des zones rurales à travers une valorisation des activités économiques et des patrimoines humain et naturel afin d'améliorer les conditions de vie de nos citoyens ruraux et assurer une sécurité alimentaire des ménages tout en valorisant les potentialités existantes même si le chemin est encore long, car c'est le plus sûr et le plus durable si la volonté sera réelle. Notre campagne a connu, depuis notre indépendance, une mutation au niveau de ses configurations sociale et spatiale car l'espace agricole à proximité de nos agglomérations est en train de disparaître pour laisser place à l'étalement de la ville sans qu'il y est une vraie initiative de la part de nos autorités concernées pour contrer ce phénomène afin de conserver l'espace agricole, car la ville, qui est un écosystème naturel et social complexe, doit être gérée comme tel, même s'il n'est plus possible d'isoler la ville de son arrière-pays car l'espace d'interface entre ville et campagne, le périurbain, se caractérise principalement par la domination des espaces verts ouverts, en particulier agricoles, sur les espaces construits. Cependant, l'installation d'une population citadine et l'extension du processus d'urbanisation au sein d'un territoire dont les logiques de fonctionnement et d'organisation sont régies par l'activité agricole semblent constituer une source de conflits entre l'urbanité et la ruralité qui sont à la fois sociaux, politiques, économiques et paysagers parce qu'ils traduisent le plus souvent par la marginalisation de l'activité agricole ainsi que par l'exclusion de l'espace qu'elle occupe des stratégies de gestion et de planification des territoires périurbains. Notre pays, qui se transforme d'un monde rural en un monde urbanisé doit relever les défis qui requièrent une approche dynamique de la gestion urbaine grâce à l'instauration d'une nouvelle politique innovatrice qui saura marquer toute la différence avec les différentes initiatives utilisées jusqu'à aujourd'hui depuis l'indépendance et où il y aura un partage d'expériences dans les domaines de l'inclusion sociale, du foncier, du logement, des services de base, de l'eau, de la santé, du développement de l'économie locale et du rôle des autorités locales concernées, grâce à l'apport des compétences en architecture du paysage et en aménagements des milieux urbains, qu'elles soient locales ou étrangères par défaut. Car malgré l'état lamentable de nos milieux urbains actuels et les différentes critiques qui viennent de partout, nos responsables concernés continuent à gérer les aménagements de nos agglomérations avec la même mentalité de la gestion anarchique des années du système socialiste, même si plusieurs décrets et lois ont été instaurés par nos différents gouvernements, comme si les conditions d'environnement urbain n'ont pas une influence directe sur les stratégies et les politiques de développement de notre pays et que les collectivités locales n'ont rien à gagner en améliorant leurs milieux urbains, qui favorisera l'élévation du niveau de vie de nos citoyens et attirera les entreprises qui génèrent des emplois pour leurs citoyens, si vraiment nos autorités locales mettaient en place la politique adéquate qui créera un environnement urbain stable dans leur localité. L'Algérie, qui est en train de connaître un développement économique et démographique sans précédent, car ses réserves de changes ont dépassé les 70 milliards de dollars et que sa population a dépassé les 36 millions d'habitants, voit au niveau de ses agglomérations, la prolifération d'une urbanisation accélérée non contrôlée des zones littorales, qui a généré des pollutions urbaines croissantes qui sont à l'origine de sérieux problèmes de santé publique et de détérioration de la qualité de vie de ses citoyens dans nos milieux urbains car nos villes sont de gros utilisateurs de ressources naturelles et d'importants générateurs de déchets, parce que 80% de notre population vivent sur 14% du territoire national et enregistre un déversement d'un million de mètres cubes par jour d'eaux usées, qui se déversent souvent dans la mer, pour polluer les plages de notre bande littorale et génèrent des catastrophes écologiques, car nos responsables locaux concernés par l'aménagement du littoral ont oublié d'exploiter les stations d'épuration déjà réalisées par notre Etat à des milliards de dinars et qui se transforment aujourd'hui en un matériel affecté par la corrosion et la rouille. Si au niveau de notre littoral tout le monde a perdu car l'Etat est dans l'obligation d'engager de nouveaux budgets pour la restauration des stations d'épuration, l'environnement s'est dégradé à cause du déversement des eaux usées dans la mer. Les citoyens des régions limitrophes sont confrontés quotidiennement aux odeurs nauséabondes avec tous les risques que cela représente sur la santé publique, mais le plus grand perdant dans cette affaire de pollution, c'est bien notre secteur touristique. Car par cause de la perte de notre littoral suite à la pollution de son environnement, en plus de sinistrose de nos milieux urbains, notre potentiel touristique est devenu vraiment caduc au niveau de notre littoral parce que nos responsables locaux concernés gèrent la protection de notre paysage touristique du littoral, qui est d'une valeur internationale, et de leurs milieux urbains, comme une entreprise simple sans mesurer la gravité qui dépasse largement les fluctuations de la politique locale, car toute discussion sur la protection de ce patrimoine en front de mer doit tenir compte de la vie de l'arrière-pays et des lois internationales de la protection du littoral et des aménagements urbains à vocation touristique. (A suivre) L'auteur est Architecte paysagiste, Diplômé de Versailles, Lakhdaria