Alimamy Bangura, un riziculteur de Makeni, dans l'Est de la Sierra Leone, ne lira sans doute pas le Rapport économique sur l'Afrique 2011 rédigé par des spécialistes de l'Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies (CEA). Ce rapport prévoit, pour le continent, un taux de croissance économique de 5% cette année. «Je suis simplement très heureux que les pluies soient arrivées au bon moment, juge Alimamy. J'ai des engrais offert par le gouvernement et dans notre pays tout le monde veut manger du riz.» Les perspectives d'une vie meilleure qui s'offrent à Alimamy cette année pourraient aller au-delà de celle d'une simple récolte convenable. Le scénario-catastrophe envisagé par certains analystes à la suite de la crise financière et économique mondiale de 2008 et 2009 n'a pas eu d'effets durables. L'économie africaine est une fois de plus sur la voie de la croissance. Selon le rapport, pour l'année 2010, le continent a enregistré un taux de croissance de 4,7%, un chiffre supérieur à la moyenne mondiale de 3,6%. Les 5% prévus pour 2011 représentent la cerise sur le gâteau. En 2009, la croissance africaine avait fortement ralenti pour s'établir à 1,6%. Mais ces résultats restaient encore bien meilleurs que ceux des pays développés qui avaient enregistrée un taux de - 2,2%. Selon le rapport de l'UA et de la CEA, parmi les facteurs qui favorisent la croissance en Afrique on compte les bonnes politiques économiques, le développement du tourisme, le regain d'activités dans le secteur des services, une augmentation des prix des produits de base et une nette croissance des exportations africaines ver les économies émergentes. De nombreux pays africains profitent déjà des bénéfices de cette croissance. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la Sierra Leone avait produit 200 000 tonnes de riz en 2004, bien en dessous de ses besoins nationaux qui s'élèvent à 550 000 tonnes. Mais la production a augmenté en 2009, atteignant 784 000 tonnes. Désormais, en plus d'être est auto-suffisant sur le plan alimentaire, le pays exporte ses excédents. Plus et mieux d'Etat Optimiste, Robert Vos, le Directeur du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, a saisi l'occasion du lancement du rapport au Siège de l'Organisation pour insister sur le rôle de l'Etat dans la stimulation de la croissance économique. C'est un des thèmes clés du rapport qui plaide pour l'intervention de l'Etat «pour planifier, formuler et appliquer des politiques visant à assurer une allocation efficace des ressources». Le rapport avertit cependant que l'Etat doit être investi de la légitimité nécessaire à l'accomplissement de ces tâches et «il doit également établir et institutionnaliser des mécanismes de consultation et de délibération par lesquels l'administration interagit avec les principales parties prenantes». M. Vos a affirmé que de nombreux pays africains ne profitaient toujours pas du commerce international en raison de leur faibles capacités productives : «pour renforcer la capacité des producteurs, les gouvernements doivent les soutenir en offrant un type d'infrastructure et de développement technique adapté.» Les nouvelles très encourageantes pour l'Afrique contenues dans ce rapport sont contrebalancées par plusieurs constatations. Le continent est encore loin d'avoir atteint les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et les taux de croissance restent inégaux entre les divers pays africains. La région ouest du continent a enregistré un taux de croissance de 6 %, tiré notamment par secteur minier. L'Afrique du Sud n'a elle connu qu'une croissance de 3%. Selon The Punch, un grand quotidien nigérian, le pays devra dépenser 1 milliard de dollars en 2011 en importation de riz. En Ouganda, une récente hausse des prix des denrées alimentaires et des produits pétroliers a contribué aux violences postélectorales d'il y a quelques mois. Des taux de chômage élevés Le rapport s'inquiète de ce que la croissance «reste en dessous des niveaux nécessaire pour réduire de manière significative le chômage et la pauvreté sur le continent». La croissance sera encore supérieure en 2011, mais il s'agira d'une «reprise sans emplois», affirme le document qui explique que les investisseurs se concentreront probablement sur le secteur des industries extractives, particulièrement le pétrole, l'or et les diamants avec «peu de liens interindustriels avec le reste de l'économie» et par conséquent peu de création d'emplois. Le rapport avance qu'un chômage élevé et persistant parmi les jeunes est un sujet d'inquiétude et une source potentielle d'instabilité. Pour créer des emplois, l'Afrique a besoin d'investissement dans divers secteurs. Le taux de croissance de 5% prévu pour 2011 ne doit pas être considéré comme acquis. Le rapport souligne qu'atteindre ce taux de croissance dépendra de la croissance chez les principaux partenaires du continent. D'autres risques pèsent sur «les recettes d'exportations et du tourisme du continent ainsi que les flux d'envois de fonds, l'aide publique au développement et l'investissement direct étranger…» Il y a encore, ajoute le rapport, «les éventuels troubles politiques liés aux élections et les conditions météorologiques défavorables». La stabilité politique de la Tunisie, de la Côte d'Ivoire, de l'Egypte et de la Libye, quatre des plus importantes économies africaines, sera vitale pour pouvoir atteindre les chiffres annoncés. K. I. In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU