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«Je suis afro-optimiste»
ABDELKADER MESSAHEL À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 22 - 11 - 2004

Le ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines parle de cette démarche comme d'un véritable tournant historique.
Après l'euphorie libératrice des années 60 et les politiques de développement socialisantes, le continent africain a touché le fond dans les décennies 80 et 90. Famine et guerres civiles étaient le lot du continent noir. Une période que d'aucuns qualifiaient d' «afro-pessimisme». Le troisième millénaire, le continent veut se relever en adoptant le concept du compter sur soi. Cela a un nom : le Nepad. Passionné d'Afrique, le ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines, parle de cette démarche comme un véritable tournant historique du continent. Une nouvelle ère que l'on serait tenté de nommer «l'afro-pessimisme»
L'Expression: L'Algérie accueillera demain deux réunions de chefs d'Etat africains où il sera question du Nepad et du mécanisme d'évaluation par les pairs, deux instruments censés garantir une prospérité future pour le continent africain. En quoi cette nouvelle démarche africaine peut-elle contribuer à améliorer l'image de marque du continent?
Abdelkader Messahel: Permettez-moi de vous faire remarquer que depuis l'avènement du Nepad, le continent figure, sans conteste, au centre des préoccupations et de l'agenda du développement international. En effet, par son authenticité, la nouvelle démarche africaine reflète la vision rénovée, la stratégie et les politiques à mettre en oeuvre pour assurer le redressement socio-économique du continent.
Au-delà de l'enthousiasme et l'intérêt suscités par le Nepad, il est important de retenir que la nouvelle démarche africaine s'impose désormais comme un pilier fondamental autour duquel s'articulent toutes les initiatives visant à instaurer une véritable coopération et un partenariat international durable.
Cette nouvelle approche du développement de l'Afrique, préconisée par les initiateurs du Nepad et à leur tête le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, présente la particularité de reposer sur des plans d'action, des programmes et des projets concrets, élaborés et chiffrés, couvrant différents domaines prioritaires du développement économique et social du continent. Elle se distingue également par la place importante qu'elle accorde à l'appropriation par les Africains de cette nouvelle démarche et se fonde particulièrement sur un leadership, fort incarné par les dirigeants africains, ainsi que sur un partenariat international à mettre en place au triple niveau national, régional et international.
Dans ce même contexte, je tiens à mettre particulièrement en évidence l'appropriation par les Africains de l'entreprise courageuse et ambitieuse de démocratie et de bonne gouvernance politique, économique et d'entreprise, menée avec détermination, à travers la mise en oeuvre du mécanisme africain d'évaluation par les pairs. Comme je tiens à souligner, que grâce à l'engagement ferme et résolu, cet instrument constitue une initiative sans précédent dans les domaines de la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, l'instauration de l'Etat de droit, la protection des droits de l'Homme et de la liberté d'expression, la promotion de la justice et la conduite d'une gestion saine, transparente et efficace du développement du continent.
Ce sont là quelques repères essentiels qui attestent amplement de la nouvelle image, au demeurant positive, qu'entretient et reflète désormais l'Afrique, d'autant que la perception qui en est faite de la part des partenaires de notre continent, s'améliore de jour en jour, à notre grande satisfaction.
L'Afrique est régulièrement sujette à des conflits qui donnent d'elle l'image d'une région instable. Les crises du Darfour et de la Côte d'Ivoire en témoignent. Ces problèmes ont-ils un impact direct dans les résultats, jugés mitigés, du plan anti-pauvreté, lancé par l'ONU, qui consiste à réduire la pauvreté de 50% à l'horizon 2015?
II est incontestable que l'Afrique continue à faire face à quelques crises et des conflits qui surgissent dans certaines régions du continent. Toutefois, il nous faut ramener ces situations particulières à leur juste et exacte dimension et préciser que les crises qui surviennent sont conjoncturelles et très limitées, en comparaison avec le climat d'instabilité qui a marqué notre continent il y a quelques années.
Cette évolution témoigne, sans aucun doute, des progrès significatifs enregistrés, grâce aux immenses efforts. déployés, pour rétablir la paix et la sécurité à travers le continent africain.
Le règlement des conflits qui ont secoué le Burundi, le Sierra Leone, le Liberia, les Comores, l'engagement du processus de normalisation concernant la crise du Sud Soudan et l'évolution positive que connaît la situation au Darfour, grâce particulièrement à l'implication des dirigeants africains et de l'Union africaine, engagés notamment sur la base des négociations menées à Abuja, constituent indéniablement des preuves irréfutables des progrès et des avancées considérables réalisés en matière d'instauration et de préservation de la paix, de la stabilité et de la sécurité sur le continent africain.
S'agissant de la situation que traverse, à notre grand regret, la Côte d'Ivoire, il nous faut également garder tout notre optimisme, quant à un règlement politique de cette crise entre les différentes parties ivoiriennes impliquées et grâce, notamment aux effort et à l'appui de l'Union africaine, des pays de la région et des partenaires internationaux.
Je me dois, par ailleurs, de souligner que l'instauration et la préservation de la paix et de la sécurité s'érigent incontestablement en conditions préalables à tout effort et entreprise de développement socio-économique du continent. Cette nécessité impérieuse est un facteur décisif de motivation et de renforcement des efforts entrepris en Afrique dans le cadre de la prévention et la résolution des crises et des conflits, tout comme elle stimule profondément les initiatives d'instauration et de consolidation de la paix et de la sécurité sur l'ensemble du continent.
Je voudrais, à ce titre, faire remarquer que, d'une manière générale, la situation d'ensemble que connaît l'Afrique actuellement, se caractérise par une nette stabilité par rapport à ce que le continent a connu et traversé dans le passé. En outre, et comme j'ai eu, maintes fois, à le souligner, l'Afrique est profondément et fermement engagée dans un effort remarquable de concrétisation du processus de démocratisation de ses systèmes et institutions politiques. J'en veux particulièrement pour preuve, le fait que la grande majorité des institutions politiques en Afrique est issue de consultations électorales pluralistes, libres et démocratiques, ce qui en soit constitue un garant fort de la préservation de la stabilité, de la paix et de la sécurité au sein du continent.
Pour revenir à la question de la lutte contre la pauvreté, je tiens à souligner que l'Union africaine et le Nepad font de l'objectif, consistant à réduire de moitié la pauvreté d'ici à l'année 2015, une priorité majeure qu'il faut impérativement atteindre, notamment en mobilisant les potentialités et les efforts exigés dans ce domaine.
Je préciserai, à ce sujet, que les partenaires internationaux de notre continent sont, de leur côté, également très engagés dans cette entreprise, même si les délais de sa concrétisation, selon le calendrier prévu, pourraient être, quelques peu, contrariés.
L'Afrique demeure l'une des régions du monde les moins attractives en termes d'investissements directs étrangers et ce, malgré le soutien du G8 et de l'UE au Nepad. Comment expliquez-vous cet état de fait?
Effectivement, si on devait dresser une comparaison avec les autres continents et, en particulier l'Asie, je ne conteste pas le fait que l'Afrique reste malheureusement le continent qui attire le moins d'investissements directs étrangers.
Il n'en demeure pas moins que l'impérieuse nécessité de mieux mobiliser et d'accroître les investissements étrangers et de rendre l'Afrique une destination de prédilection pour ces investissements constitue un souci majeur pour notre continent.
Cet objectif constitue également et surtout une priorité centrale de la démarche du Nepad et de l'action de l'Union africaine, en particulier à travers les mesures préconisées et les efforts entrepris pour réunir les conditions nécessaires à même de favoriser et de motiver la création d'un environnement politique, juridique et économique, propice à l'attraction de ces investissements.
Il convient de souligner, dans ce contexte, que l'un des objectifs majeurs visés, à travers l'instauration d'un partenariat international dans le cadre du Nepad, consiste justement à attirer et augmenter le flux d'investissements directs étrangers vers notre continent pour accélérer son développement économique et social.
Je tiens, à cet égard, à mettre en évidence l'importance du rôle et de l'apport du secteur privé et la nécessité d'encourager et de renforcer son implication dans le processus de développement engagé en Afrique. Il s'agit là surtout d'encourager et de motiver une concrète participation de la diaspora africaine aux efforts de développement économique et social, puisque l'apport de cette diaspora constitue un élément fondamental de l'entreprise de développement du continent.
A titre d'indication, je me permettrai de préciser, tout simplement, qu'en matière de sources de financement, l'Afrique dispose de 200 milliards de dollars placés à l'étranger qu'il faudrait s'employer à mobiliser dans le cadre des efforts d'attraction et de renforcement du flux d'investissements à destination du continent africain.
Beaucoup d'observateurs internationaux notent l'absence de popularité du Nepad, au sens où les peuples africains ne se sentent pas directement concernés par cette initiative. Ce défaut d'engouement populaire n'hypothèque-t-il pas le succès du Nepad à moyen terme?
En ce qui concerne votre affirmation sur «l'impopularité» du Nepad au niveau des peuples africains, permettez-moi de m'inscrire totalement en faux avec un tel constat étant donné que le Nepad se veut, d'abord et avant tout, une affaire des peuples africains et repose fondamentalement sur l'appropriation par ces peuples de l'initiative africaine.
Dans ce cadre, on constate que le Nepad est en train de devenir une réalité dans le vécu quotidien des peuples africains, et ce, même s'il faut admettre la nécessité d'assurer une meilleure communication pour vulgariser davantage l'approche, la démarche, les objectifs et les retombées du Nepad sur le continent et sur son avenir.
Le même constat peut être fait en ce qui concerne l'ensemble des initiatives et actions entreprises dans les domaines prioritaires du Nepad, auxquels participent les différents segments de la société civile représentés essentiellement à travers les milieux d'affaires, organisations sociales, les associations, les chercheurs, les parlementaires et les organisations non gouvernementales.
Je voudrais, dans ce même contexte, mettre en évidence la place et le rôle primordiaux, accordés, d'une manière générale, à la société civile, non seulement pour ce qui est de sa participation au niveau de la conception et de l'élaboration des projets, programmes et plans d'action de développement, mais également en ce qui concerne son implication dans leur mise en oeuvre et le suivi.
Il s'agit là d'une traduction dans les faits des exigences du Nepad qui est un processus reflétant l'intime conviction des dirigeants africains, qu'aucun programme ou entreprise de développement ne peuvent être mis en oeuvre avec succès sans une forte mobilisation des efforts de l'ensemble des potentialités humaines et matérielles du continent et une participation aussi large qu'effective de toutes les composantes de 1a société civile.
Je voudrais indiquer à titre d'exemple, que dans le cadre de la mise en oeuvre du mécanisme africain d'évaluation par les pairs et l'engagement du processus d'évaluation en Algérie, une commission nationale devra prochainement être mise en place.
Cet organe regroupera, outre les représentants des institutions du gouvernement, l'ensemble des partenaires économiques et sociaux nationaux, représentant largement la société civile qui, de ce fait, sera pleinement impliquée dans la conduite de cet important processus.


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