La question de l'habitat n'a jamais été maîtrisée, depuis l'indépendance, au point de donner naissance à une anarchie dont il est difficile de venir à bout tant les dégâts que celle-ci a occasionnés sont incommensurables. Que ce soit dans la capitale ou dans les autres régions du pays, des bidonvilles se sont érigés souvent avec l'aval des autorités locales – les élus notamment – qui voyaient ainsi une manière de contourner le problème du logement et de s'épargner la colère des citoyens. Les élus locaux pouvaient ainsi préserver leur quiétude et en même temps réserver les logements disponibles pour leurs proches et pour leurs amis. Grâce à leur complaisance, des gourbis poussaient jour et nuit, que leurs «concepteurs» soient réellement dans le besoin ou pas – nombreux sont en effet ceux qui étaient convaincus que de cette façon ils accéderaient à un logement –, et des agglomérations faites de taudis ont fini par voir le jour un peu partout. Rendue nécessaire par la prolifération de ce fléau, l'éradication des bidonvilles, prévue pour la fin des années 1990, n'a pu être menée à terme. Les pouvoirs publics semblaient être dépassés par le phénomène, les listes de recensement n'étaient jamais définitives du fait de nouvelles constructions anarchiques et du squat de sites évacués. On relogeait les occupants sans se soucier du devenir immédiat de ces sites sur lesquels s'opéraient des transactions. Les bicoques vidées étaient cédées par les habitants en voie d'être relogés, ce qui différait la récupération des terrains et rendait difficile l'éradication des bidonvilles et de l'habitat précaire. Des projets auraient pu y voir le jour, mais la réappropriation par l'Etat de ces innombrables assiettes foncières paraissait être occultée dans la foulée des opérations de relogement. Beaucoup parmi ces terrains ont d'ailleurs été détournés de la vocation qui aurait dû être la leur pour servir des appétits insatiables. Aujourd'hui que la prédation et la dilapidation du patrimoine foncier ont atteint des limites intolérables, on commence enfin à penser à la démolition des taudis évacués et à l'installation d'une clôture autour des sites. Reste à définir pour quels projets. R. M.