Standard & Poor's (S&P) justifie sa décision en qualifiant d'«insuffisant» le compromis adopté en début de semaine à Washington pour éviter le «défaut de paiement» des Etats-Unis.Dans son «explication de texte», l'agence critique le compromis de Washington : «Le plan de rééquilibrage du budget sur lequel le Congrès et l'exécutif se sont récemment mis d'accord est insuffisant par rapport à ce qui, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette publique.»C'était, il faut le reconnaître, l'avis général des économistes et des commentateurs après la conclusion de cet accord, qui fut particulièrement dur à accoucher entre le président démocrate et ses opposants républicains. Mais les Etats-Unis pensaient néanmoins avoir réussi à échapper à la «sanction» des agences de notation, et à repousser d'au moins deux ans l'heure de vérité de leur dette.C'est un coup très rude pour les Etats-Unis, car tout l'enjeu de la négociation à l'arraché qui s'est déroulée entre le président Barack Obama et la majorité républicaine du Congrès avait pour but d'éviter la dégradation de cette note de S&P et de ses «sœurs», Moody's et Fitch.Passer de AAA à AA+, outre le caractère humiliant pour la première puissance économique mondiale qui subit le même sort que la Grèce il y a quelques mois, va rendre plus cher le crédit, et donc alourdir le recours à l'emprunt nécessaire pour financer le déficit américain (une hausse de 1% des taux d'intérêt représente un coût de 140 milliards de dollars). Comme l'écrivait le mois dernier sur Eco89 le riverain post-doctorant Mad Max : «Par la nature même de leur activité, les agences de notation se retrouvent dans la situation d'un observateur cherchant à déterminer avec des outils très sophistiqués le futur parcours d'une feuille de papier qui vole et qui, pour communiquer ses prévisions, doit sortir de la pièce et créer ainsi un fort courant d'air.»Les deux autres agences, Moody's et Fitch, doivent encore faire connaître leur opinion, mais la décision de S&P a déjà fait son effet, et risque de peser lourdement sur le climat international déjà plombé par les spéculations autour de la dette des pays de la zone euro. «Ces gens-là ne sont pas en position de juger» Sur son blog du New York Times, l'économiste Paul Krugman, qui s'était montré très critique vis-à-vis du compromis de Washington, dénonce sévèrement la décision de Standard & Poor's, en estimant que l'agence de notation outrepasse son rôle en prenant une décision très politique : «C'est un scandale – non pas parce que les Etats-Unis seraient au bon niveau de “A”, mais parce que ces gens-là ne sont pas en position de juger.»Depuis le début de la décennie, le rôle des agences de notation financière est régulièrement critiqué, en particulier depuis le scandale Enron puis leur passivité face à la montée des subprimes à l'origine de la crise de 2008. Leur travail n'est véritablement vérifié par aucune instance supérieure. Aux Etats-Unis, d'où proviennent les trois grandes agences – même si Fitch appartient désormais au Français Marc Ladreit de Lacharrière –, elles reçoivent un agrément de la SEC, l'équivalent de notre Autorité des marchés financiers (AMF). Mais il n'y a pas de contrôle de leur travail.Le paradoxe est qu'il reste seize pays notés AAA chez Standard and Poor's, dont quatre membres du G7 : l'Allemagne, le Canada, la France et la Grande-Bretagne. C'était la France, qui dans ce club très fermé, faisait figure de maillon faible, et qui, désormais, va devoir rassurer à son tour ces agences toutes-puissantes sur sa capacité à «tenir son rang». P.H in Rue 89