De notre correspondant à Tizi-Ouzou Lakhdar Siad Les déchets hospitaliers ne sont que la face apparente de l'iceberg de la grave pollution qui sévit sur les sites industriels et les milieux urbains et même dans les villages de Kabylie, autrefois épargnés et protégés et qui appellent des solutions immédiates au risque de mettre toute la population locale et ses ressources nourricières basiques et naturelles en danger de contamination de masse. Le dernier documentaire «Décharge interdite» de Tahar Yami, commenté par Larbi Chérif, projeté la semaine dernière à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, est un échantillon de ce topo chaotique que renvoient les villes et villages de Kabylie, sa belle côte méditerranéenne, ses forêts, ses fertiles plaines et les alentours du haut et beau Djurdjura. Le constat est alarmant mais rien ne se fait officiellement par les instances concernées de l'Etat pour sauver la flore et la faune de cette région à l'exception des initiatives des associations ou des militants bénévoles aux moyens rudimentaires pour limiter les risques ou tout au moins sensibiliser les habitants et les passagers, touristes d'un jour à la recherche d'air pur.C'est peut-être cette situation générale proche du désastre de l'environnement dans la wilaya de Tizi-Ouzou et les protestations de riverains qui ont poussé les responsables du CHU Nedir Mohamed de Tizi-Ouzou à transférer le traitement des déchets de soins à risque infectieux (DASRI) du Centre hospitalo-universitaire vers le centre d'enfouissement techniques (CET) de Oued Falli, où deux incinérateurs modernes de déchets hospitaliers de capacités respectives de 200 et 50 kilos/heure ont été mis en marche la semaine dernière. Implanté auparavant à l'unité hospitalière du Belloua (sanatorium), au village de Rdjaouna, le centre d'incinération des déchets hospitaliers dangereux a suscité de vives oppositions de la part des villageois qui ont mis en avant la menace sur leur santé que représentait une telle solution sans les normes complémentaires d'élimination des gaz toxiques. Avec cette réaction citoyenne, le CHU s'est retrouvé avec environ 500 tonnes de DASRI stockées en attente d'incinération, sachant que le même établissement produit 500 kilogrammes/jour traités précédemment par une entreprise spécialisée de la wilaya limitrophe de Boumerdès. Le CHU Nedir ne compte pas en rester là puisqu'il est envisagé d'acquérir un «banaliseur» à 7 milliards de centimes qui a comme option de stériliser les déchets détruits. «Nous comptons réceptionner ce banaliseur avant la fin de l'année», a déclaré le professeur Abbès Ziri, directeur du CHU de Tizi-Ouzou, lors d'une journée consacrée au sujet durant la même période, ajoutant qu'au niveau du CHU, la direction est soucieuse du respect de l'environnement et «nous ne jetons pas ces produits dans les lavabos». Toutefois, des déchets répertoriés hautement toxiques tels que le xylène et le formol présentement stockés dans des fûts scellés dans l'enceinte du CHU posent toujours problème. Un audit d'évaluation de la quantité et de ses répercussions sur l'environnement et la santé est prévu et sera réalisé par Sonatrach ou une société privée. Cela dit, les déchets médicaux ne sont pas traités comme il se doit au sein des établissements hospitaliers de la wilaya de Tizi-Ouzou. Le danger de ces déchets est partout présent. Récemment, la presse faisait état du «sort» réservé à ces rejets dangereux par les unités de soins de la daïra des Ouadhias, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Tizi-Ouzou, qui sont acheminés et jetés avec les autres déchets ménagers dans des décharges parfois sauvages en l'absence d'une décharge communale équipée de moyens de recyclage et de traitement de déchets toxiques et dangereux. Une partie des accessoires médicaux après usage est traînée par les eaux des rivières pour atterrir dans le barrage de Taksebt qui alimente plusieurs millions de personnes en eau potable. Qui s'en soucie ?!! Pour rappel, 60% des déchets de la wilaya de Tizi-Ouzou sont des matières organiques et les déchets d'emballage (plastique, verre, acier…) représentent 25%. Les conséquences dangereuses de tels rejets sur la vie des habitants et l'environnement, si jamais une réelle prise en charge de ce fléau n'est pas à l'ordre du jour, sont imminentes. Pour le volet récupération des déchets, «la wilaya de Tizi-Ouzou compte un “gisement” de 1 000 tonnes, ce qui représente un potentiel important en matière économique», selon des spécialistes du domaine. Si la problématique du recyclage des déchets produits par les habitants et les rares et faibles unités industrielles de la wilaya de Tizi-Ouzou figure dans le cadre du Programme national de gestion des déchets municipaux, il est important de souligner que le seul projet digne de ce nom que compte la wilaya de Tizi-Ouzou est celui du centre d'enfouissement technique (CET) des déchets intercommunaux situé à Boukhalfa (périphérie ouest du chef-lieu de wilaya) qui a été réceptionnée il y a plus de deux ans après que le problème des décharges et de gestion des déchets eut atteint des proportions alarmantes au niveau des 67 communes de la wilaya avec leur lot de maladies et de dégâts sur l'environnement. Une EPIC de wilaya a été créée pour sa gestion et est parallèlement déclarée opérationnelle par les directions de wilaya concernées. Des conventions avec les communes ont été prévues pour le paiement à la tonne déposée afin d'engendrer des ressources financières. Un système de collecte sélective au niveau de chaque ville jumelée avec les collectes locales a été aussi mis en place. «Des bacs à ordures seront placés et nous contraindrons tous les commerçants et industriels à séparer les déchets et à acheminer les déchets d'emballage et les déchets industriels banals (DIB). Un appel d'offres international pour la concession de la collecte et nettoiement de la nouvelleville de Tizi-Ouzou pour une période de trois ans a été lancé» à la même période, selon un cadre de la Direction de l'environnement de la wilaya de Tizi-Ouzou qui s'exprimait en marge des derniers travaux de lancement du CET de Boukhalfa.Dans ce sens, il a été prévu la réalisation de 18 CET et décharges publiques contrôlées avant la fin 2010 dans les communes de Fréha, Mizrana, Souk El-Thenine, Iferhounène, Tizi n Tlata, Ouadhias, Boudjima, Bouzeguène, Zekri, Ath Yenni, Ath douala, Ath Aïssi, Ath Zmenzer, Ath Mahmoud, Idjeur, Boghni, Larbaâ nath Irathène et Tadmaït avec comme objectif final la création de plateformes de tri et de recyclage (déchetteries), selon le même cadre de la Direction de l'environnement de la wilaya de Tizi-Ouzou.Mais la réalité est tout autre. Rares sont, en effet, les CET et les décharges qui ont été concrétisés sous prétexte du phénomène d'opposition qui touche pratiquement tous les secteurs élémentaires tels que l'hydraulique, l'industrie et les mines et, bien sûr, l'environnement fragilisant davantage les approximatifs efforts de développement social et économique dans la wilaya de Tizi-Ouzou. La population locale est en réel danger de contamination. D'ailleurs, des enquêtes épidémiologiques s'imposent au vu de l'évolution de certaines maladies graves telles que le cancer pour déterminer les causes de cette maladie en nette progression et qui fait des centaines de victimes par an dans la wilaya de Tizi-Ouzou.