De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Officiellement, la fermeture des sept sablières agréées de la wilaya de Tizi Ouzou, intervenue il y a environ sept mois, a été décidée en se basant sur les instruments de protection des rivières et de leurs nappes phréatiques. Dans les faits, les choses sont tout autres. On n'arrête pas de compter les nombreuses failles de cette décision dont les responsables se sont inspirés des déclarations publiques de membres du gouvernement. Des intervenants dans le domaine en Kabylie vont plus loin : ils soupçonnent une volonté de favoriser le secteur informel des agrégats et, par ricochet, porter atteinte au milieu naturel et à l'équilibre des cours d'eau au moment où d'autres évoquent un plan pour le statu quo du développement local sous le prétexte du manque d'agrégats et de matériaux de construction. «Les sept sablières agréées de la wilaya de Tizi Ouzou sont fermées depuis sept mois pour protéger l'environnement, selon la version officielle. Mais depuis, personne n'a cherché à savoir s'il y a évolution, progrès, s'il y dégradation de la situation des oueds ; sachez alors un fait : les oueds se sont réellement détériorés depuis la fermeture des sablières agréées», relève Rachid Aït Mokhtar, cadre gestionnaire de centrales à béton, avant de s'interroger sur les mobiles réels de ces fermetures. «Pourquoi les services concernés ne viennent-ils pas constater de visu si réellement les sablières agréées ont dégradé les rivières ? Pourtant les sites des sept sablières sont connus et délimités par les services de l'hydraulique qui ont les plans des sablières.» Dans la réalité, il affirme que «l'extraction du tout-venant a triplé sous les yeux des services de sécurité ; il y a bien des projets d'Etat qui continuent d'avancer, comment est-ce possible ? D'où s'approvisionnent-ils ? Bien sûr, avec le stock du tout-venant qui vient de nos oueds ; la fermeture des sablières a porté atteinte à l'environnement et à la qualité des agrégats proposés ; le marché de l'extraction illicite du sable a explosé depuis la mise en veilleuse des sablières. Les entrepreneurs s'approvisionnent au noir, en agrégats non lavés et non traités, autant dire alors que la fermeture des sablières agréées a favorisé la destruction de l'environnement des cours d'eau de la wilaya de Tizi Ouzou et est responsable aussi de la dégradation de la qualité du béton». Il invite les responsables et les associations à faire un tour du côté du pont de l'oued de Sidi Naamane, ouest de Tizi Ouzou, pour voir le nombre d'engins lourds de transport chargés de sable, avec le silence et la complicité d'entrepreneurs et des autorités. Il défend par ailleurs les sablières agréées. «Les sablières agréées ne portent pas atteinte à l'environnement parce qu'elles sont équipées de concasseurs ; même quand il n'y a pas de sable fin dans la rivière, les sablières concassent la pierre qui donne des agrégats de qualité», soutient-il. Récemment, M. Aït Mokhtar avait mis l'accent sur les motivations incohérentes de cette décision en déclarant que, même au temps du fonctionnement des sablières, il y avait un manque d'agrégats parce que, actuellement la demande augmente, elle se multiplie rapidement ces dernières années, et que cette situation a été alourdie par la fermeture des sablières. Des lectures sont avancées pour expliquer ces contradictions entre les visées formelles d'une décision officielle et ses conséquences qui ne correspondent pas à l'objectif initial. «Les élus n'ont pas compris les raisons inavouées de la fermeture des sablières, ils ont été induits en erreur par les arguments fallacieux de l'administration en rapport avec la nappe phréatique. La protection des rivières n'est qu'un argument pour bloquer le développement de la région de Kabylie, la fermeture de ces sites réglementés est synonyme de blocage et de sabotage des projets ; en tout cas, les élus ont une grande part de responsabilité car l'administration ne déroge pas à la règle, elle a été toujours contre la population», soulève ce responsable. S'agissant des habituelles oppositions des habitants à l'implantation des carrières, il fera deux remarques : les sites de carrières étant proches des sources de captage d'eau potable des villages, cette proximité risque de perturber les sources et les cours d'eau avec l'usage des explosifs (quand ils ne sont pas interdits pour cause de terrorisme); il est normal que la population s'y oppose parce que les habitants ont longtemps souffert du manque d'eau. Ce sont les habitants eux-mêmes qui se sont occupés des installations pour approvisionner de façon autonome en eau potable leurs foyers au moment où l'Etat les avait abandonnés. Aussi, il souligne que les sites de carrières proposés sont accidentés, difficiles d'accès, avec un taux d'argile estimé pour certaines d'entre elles à 30%, des sites généralement qui nécessitent, d'autre part, de lourds investissements. L'autre conséquence fâcheuse de la fermeture des sablières est la mise en chômage de centaines de travailleurs sans compter les centaines de coffreurs, ferrailleurs et maçons qui vivaient dans le bâtiment ainsi que la baisse de l'activité commerciale comme le commerce de la pièce de rechange pour poids lourds. «Il fallait penser aux salariés de ces sablières avant de les fermer, ce sont pour la plupart des démunis», signalera-t-il, faisant le lien entre les retombées de la fermeture des sablières et les jeunes chômeurs de la commune de Tizi Rached qui avaient bloqué pendant deux jours les accès à l'Eniem pour exiger leur quota d'emplois. Pour ce qui se rapporte à l'environnement, il citera la fermeture de la sablière de Chaouffa, parmi les sept sablières agréées, sur la rivière du Sébaou et dont le cours est actuellement mis en péril par la décharge communale de Freha. «Même les déchets médicaux (seringues, etc.) du dispensaire de Freha sont jetés dans la rivière, sans compter les déchets ménagers, depuis environ huit mois», alerte-t-il, concluant sur les résolutions des puissances mondiales responsables de la détérioration de la couche d'ozone qui, au lieu de freiner rapidement leurs émissions toxiques, ont décidé de réduire petit à petit les gaz à effet de serre pour ne pas tuer leurs économies.