De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
La ville des Ponts ne déroge pas à sa caractéristique ramadhanesque en matière culinaire. Aussi a-t-elle acquis une autre option conjoncturelle se traduisant par le commerce tous azimuts, prenant effet de jour comme de nuit, pourvu que les poches se remplissent, n'en déplaise aux règles du commerce. Tout est permis pour amasser des dinars en plus en ce mois cher et onéreux du Ramadhan. Ainsi, les artères – même principales de la ville des Ponts – voient en toutes les couleurs commerciales. En plus des vendeurs occasionnels qui ont pu se frayer des places au niveau des marchés pour y proposer des produits préparés maison tels pain, dioul…, des initiatives versent carrément dans la commercialisation des boissons, dès lors que la tentation de gagner est grande à l'image des degrés de température d'août occasionnant une soif intense. Cherbet, cette boisson à jus de citron, se vend facilement. Des pancartes accrochées aux arbres illustrent son «originalité» : «Algéroise de Boufarik». Quoique cédée à 50 DA le litre dans des sacs en plastique, la population se l'arrache sans y réfléchir. Qalb ellouz, qui s'est ancré parmi les autres gâteaux traditionnels constantinois, est aussi présent en différents magasins loués pour l'étendue d'un mois. En fait, le panorama gastronomique de la médina se caractérise par deux contrastes, l'un relatif au jour et l'autre à la nuit. A peine la prière des taraouihs terminée que les barbecues répandent leur première fumée presque dans chaque rue de la ville et sa périphérie. Un commerce nocturne qui sourit davantage à ces jeunes qui l'adoptent durant seulement le mois de carême. Les brochettes se multiplient et s'étalent sur la braise une fois les parties de cartes et de dominos amorcées par des adeptes du jeu. Au centre-ville la furia des achats vestimentaires rend le panorama populeux. Les magasins sont pris d'assaut par les parents. Mères, pères et bambins scrutent les bonnes affaires à même le sol des artères où tout type de vêtement est étalé. Constantine se transforme en un bazar nocturne informel gênant la circulation des personnes pressées. «Je préfère entamer mes achats ces jours-ci au lieu d'attendre les derniers jours du Ramadhan où, à l'accoutumée, on ne trouvera pas un grand choix pour les enfants», témoigne une parente. Même les blouses sont d'ores er déjà proposées. «C'est tout ce qui me reste du stock. J'ai encore renouvelé la commande mais j'attends toujours», avouera un commerçant dans une grande surface à Constantine. La population devient de plus en plus consommatrice ou plutôt vigilante quant aux pénuries. Cela est interprété différemment par les personnes interrogées. Les unes estiment que s'approvisionner avant terme reste le meilleur moyen d'éviter des bousculades et autres arnaques de dernière minute se traduisant par des produits (vêtements pour enfants) de piètre qualité. Alors que les autres renvoient cette frénésie de fréquenter les magasins prématurément à un syndrome plus profond. Celui de pousser la population au rush en dépit de l'abondance des produits. A cet effet, analysera un père de famille pour le moins flegme devant les vitrines, «les vendeurs et commerçants entament le bal avant terme. Ils mettent ainsi le feu aux poudres pour provoquer l'appréhension chez les retardataires de ne rien trouver les derniers jours». Le Ramadhan détient ses vertiges diurnes et nocturnes. A chacun ses penchants pour les dépenses. Du moins Constantine est animée la nuit par des coups d'échappement et autres brouhaha venant asphyxier une cité déjà suffocante. Ainsi se trament les soirées ramadhanesques au cœur de la médina.