Photo : S. Zoheir Par Fodhil Belloul Lundi soir, pour la neuvième soirée de notre kheïma de solidarité, les nostalgique des années 70 avaient de quoi se réjouir. L'animation musicale allait être assurée par une chanteuse qui avait marqué les esprits à cette époque, notamment, pour ceux qui s'en souviennent de l'émission «Alhan wa chabab qui a révélé de nombreux talents de la musique algérienne. En effet, le programme annonçait la chanteuse de hawzi et de musique Andalouse, Nardjess. Une artiste revenue sur scène il y a peu de temps après une longue absence. Vers 22h30, alors que le public commençait, comme il en a désormais l'habitude, à s'installer, le désormais fidèle orchestre de l'ENTV, dont on peut entendre certains membres, pour ceux qui voudrait vérifier son indiscutable qualité et professionnalisme, tous les soirs à la télévision après le f'tour, était déjà en scène. Les réglages finis, nos musiciens ont entamé comme pour s'échauffer et avec aisance, une touchia ram el maya, exécutée avec brio, en guise d'accueil à nos invités. Et comme pour continuer à nous communiquer leur bonne humeur en nous faisant patienter en musique, des sons tout aussi nostalgiques se font entendre sous le fin doigté du joueur de synthé : Ana betweness bik, titre mémorable d'une autre grande chanteuse, Warda el Djazairia, suivi d'une autre évocation qui a achevé de réjouir les présents, celle d'Al Aândalib el Asmar, Abd El Halim Hafez. Après le hors-d'œuvre musical, place au spectacle. Drapée dans une robe noire et blanche, typiquement algéroise, la dame fait son entrée sur scène en toute sobriété et raffinement, betbaâ diraient les férus de formules algéroises. Le diwane, ou recueil de textes, sous les yeux, et assise dans une posture propre à ce genre de récital, Nardjess entame son tour de chant par un nesraf des plus célèbres «Anta syed koulou sayed, enta gawth el moudhnibin, bika hakan nara toukhmed wa touchaâchaâ hour el aâin» (tu es le maître de tous les maîtres, tu es celui qui sauvera les pêcheurs, pour de vrai, c'est par toi que le feu de la passion cessera de brûler, et que s'illumineront les houris), on aura bien sûr reconnu «Y'a habibi ya Mohammed», un des incontournables poème à la gloire du Prophète. L'enchaînement est millimétré, et Nardjess poursuit toujours avec sa voix lyrique et porteuse, caractéristique de chant andalou, par «ya men bi al awzar», premiers youyous dans l'assistance et sûrement pas les derniers, puisque Nardjess poursuit dans mkhiless entraînant «ya rassoul Allah enta el habib». Comme pour mieux nous faire profiter de l'inestimable patrimoine musical et poétique, l'artiste, en fine connaisseuse, interprète un kssid de celui que l'on surnomme à juste titre rayes leklam, littéralement «le patron des mots», le Marocain Abdelaziz El Maghrawi (1533-1593). Et le kssid en question, n'est autre que «kassidat al isra'â wel mîradj», plus connue sous l'appellation «âdat dmouîi dmoû koul nhib» (mes larmes ont dépassées toutes les larmes de tous les plaintifs), véritable zénith de la poésie mystique relatant le voyage miraculeux du Prophète sur le mythique cheval Pégase (el bourak ou enaguib dans la tradition populaire) de la Mecque à Jérusalem puis à travers les sept cieux, rencontrant les différents prophètes, nuit où, selon la tradition, fut dictée l'obligation de cinq prières quotidiennes. Grand moment de poésie mystique donc, même si, au grand dam des amateurs, la kssida ne fut pas interprétée jusqu'au bout. Et d'ailleurs, nous n'en tiendrons sûrement pas rigueur à Nardjess qui nous a honoré de sa présence, en exprimant, une fois descendue de scène, après l'intermède footballistique, toute sa joie de participer à cette opération de solidarité de la Tribune.Après la touche citadine et raffinée de Nardjess, ce fut au tour de Mohammed Sergoua d'animer la seconde partie de la soirée. Et l'hommage musical était cette fois-ci en direction d'un autre pilier de la chanson algéroise, le regretté El Hachemi Guerrouabi, dont Mohammed Sergoua a interprété à sa manière quelques-unes de ses plus belles réalisations, «ya rguig el hadjeb» pour commencer, un Nesraf que Guerouabi affectionnait particulièrement. Passant ensuite à «el djazayer zinet el bouldane» plus connue sous le titre «Allô, allô», ou encore, autre grand moment, l'interprétation d'une des chansons les plus connues et appréciée du répertoire, «el bareh kan fi aâmri âachrine», reprise en chœur par l'assitance. Il était déjà près d'une heure du matin lorsque la veillée prit fin. Et le public est sûrement parti en se disant «ce qui est bien lorsque c'est fini, c'est que ça recommence». Oui, notre kheïma de solidarité promet encore bien des surprises.