Photo : M. Hacène Par Hassan Gherab Une belle touchia offerte par le chanteur Youcef pour la mise en bouche et le réglage de la balance, tandis que les premières familles occupaient les chaises des premiers rangs. La scène de la kheïma du quotidien la Tribune se met en place pour sa seizième soirée, samedi dernier. Les notes aériennes que les enceintes confiaient au petit vent qui s'est levé ce soir «informeront» le quartier du début de la soirée. Ainsi, quand la présentatrice donnera le top de départ de la soirée, après avoir rappelé la portée et les objectifs de l'action de solidarité de la Tribune et de ses partenaires, le public était déjà là. Youcef reprend la main pour un autre tour avec un chaâbi calme, pondéré, le tempo qui sied aux louanges du Prophète et à un hommage à la mère de Mazari Abdelhafid qui, comme beaucoup de paroliers, signe son œuvre de son nom qu'il intègre à la fin du texte avec l'année de sa création (1982). Le khlass sera Naçboulou echebka ou çaydouh (on lui a tendu des rets et l'ont pris). Au deuxième morceau, Youcef revisite Akal averkan et son fils, El Hasnaoui, avec Aggoudjil (l'orphelin), un texte en chaâbi kabyle admirable que les puristes qui étaient assis au fond de l'esplanade ont beaucoup apprécié. Le chanteur terminera son tour de chant sur un air un peu plus entraînant. Hadh el khatem (cette bague) met un peu d'ambiance. La première partie de la soirée se termine sur ces notes gaies et virevoltantes. L'intermède sera, comme à l'accoutumée, consacré à l'hommage à une ancienne gloire du football national. Pour la soirée de samedi dernier, sous la kheïma où l'odeur du thé à la menthe se mêlant au parfum de roses emplissait l'air de senteurs rafraîchissantes, devant la cinia (grand plateau de cuivre), était assis Bachir Lehtihet qui a fait les beaux jours de l'équipe de sa ville natale, Jijel, la JSD. L'hommage fini, Mourad Djaâfri prend en charge la deuxième partie de la soirée, et il s'en charge bien le gaucher, qui sait y faire. L'istikhbar calme introduit le qcid L'kahoua wou l'atay (le café et le thé). Au deuxième morceau, Mourad Djaâfri «convie» le défunt cheikh Guerouabi à la fête en reprenant sa chanson El madhi rani gh'laqt babou ouk'dhit aâlih (j'ai fermé la porte du passé et je l'ai tué). Après ce discret hommage au maître, le chanteur offre à son public la visite d'El Bahdja, à travers la petite balade dans ses quartiers, chanson qui a été écrite sous différentes formes et chantée dans différents genres depuis longtemps. La visite se termine, évidemment, dans le quartier accueillant le chanteur, Hussein Dey en l'occurrence. Les youyous accompagneront les montées de Djaâfri qui enchaîne avec un istikhbar, histoire de faire baisser un peu la pression. Mais dès que les premières notes du qcid s'élèvent, le public qui a reconnu El haraz (le mage) trépigne. Et quand Mourad Djaâfri reprend le premier échange entre El haraz et l'amoureux dans le pur style de Guerouabi, les amoureuses et les amoureux du chaâbi y répondent par une salve de youyous et un tonnerre d'applaudissements. Djaâfri y répond par un «Allah yarham chikhna Guerouabi» (paix à l'âme de notre cheikh Guerouabi) et offre un bis pour les youyous, mais ne termine pas le qcid, préférant enchaîner avec des morceaux qui maintiendraient le rythme et l'ambiance de fête. La suite sera sur un tempo alerte avec Chouf ya Ali dj'bel el gharb ghaybou (regarde Ali, les montagnes de l'ouest ont disparu).Djaâfri fera un autre hommage à Guerouabi (décidément, jamais le défunt cheikh n'a été aussi honoré par ses pairs et ses disciples que durant ces dix derniers jours) avant d'enchaîner avec, cette fois, une balade dans les régions de l'Algérie, de Tlemcen à Constantine, en passant par Oran, Mostaganem, Alger et d'autres villes, qui se découvriront à travers leurs cheikhs et grands interprètes. Le khlass sera franchement dansant, et les jeunes ne se feront pas prier. La piste est occupée en un clin d'œil. Six véritables danseurs de heddi attirent les regards, les caméras et les flashs. Ça chauffe sur la piste, et la météo n'y est pour rien.Connaissant bien le topo, Djaâfri fait tomber la pression en chantant Li lah âdrouni (de grâce, comprenez-moi), une chanson dédiée au zawali (besogneux). Les danseurs reprennent leurs places, ça leur permet d'ailleurs de souffler un peu. Mais pas pour longtemps. Djat ch'ta oudjaou l'ryah (pluie et vents sont arrivés) sera un autre déclic. Ils y retournent, les mêmes danseurs. Sur scène, Djaâfri exulte. Il a le public dans sa main, ou plutôt entre ses doigts. Il a des youyous et des applaudissements à la demande. Il en dédiera à la Tribune, à l'équipe qui a organisé cette kheïma de solidarité ainsi qu'à tous les artistes qui sont passés et qui passeront. La derbouka, grande complice des danseurs, s'électrise. La piste de danse est comble. C'est le moment que choisira Mourad Djaâfri pour tirer sa révérence. Il finit en beauté avec B'kaou aâla khir. Rendez-vous est donné pour ce soir et tous les soirs, jusqu'à vendredi prochain, le dernier soir de la première kheïma de solidarité de la Tribune.