Une nouvelle guerre risque d'éclater dans le Kordofan du Sud, dans l'Etat du Nil Bleu, qui veut rallier le Sud-Soudan au lieu de rester sous l'autorité actuelle de Khartoum. De nouveaux affrontements ont éclaté ces dernières semaines faisant des dizaines de morts, pour la plupart des civils. Plus de vingt mille personnes ont fui ces violences opposant l'armée de Khartoum à des hommes armés de l'ancienne rébellion du Sud. Plus de 16 000 habitants de Kourmouk, soit la population entière de cette ville de garnison déjà théâtre de violents combats pendant la guerre civile entre le Nord et le Sud (1983-2005, 2 millions de morts), ont traversé la frontière éthiopienne, selon un communiqué du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). La reprise des affrontements, jeudi et vendredi derniers, a aggravé davantage la situation, provoquant un nouveau flux de déplacés qui risque de devenir incontrôlable si les combats reprennent de plus belle. A noter que les combats ont repris il y a trois mois, soit un mois avant même la proclamation officielle du Sud-Soudan qui avait tenu son référendum populaire le 11 janvier 2011, sous l'égide de la communauté internationale. La recrudescence de ces violences a ainsi poussé le président soudanais Omar El-Béchir à décréter l'état d'urgence dans le Nil Bleu et à envoyer plus de troupes pour contenir ces violences. Mais Khartoum n'est pas restée à cet état d'urgence. Elle est passée à l'offensive en s'attaquant directement à Malik Agar, le gouverneur élu au Nil Bleu et chef de l'ancienne branche armée du SPLM (ex-rébellion sudiste) dans cette zone. D'ailleurs, ce sont ses forces loyales qui s'affrontent avec l'armée gouvernementale. Khartoum a, d'ores et déjà, remplacé Malik Agar par un chef militaire au poste de gouverneur. Le régime d'Omar El-Béchir a affiché plus de fermeté en fermant, samedi, tous les bureaux du principal parti de l'opposition, la branche nordiste du SPLM, affirmant que «ce n'est pas un parti politique légalement représenté». Parti des anciens rebelles du Soudan du Sud, le SPLM s'était imposé comme la seule force d'opposition au régime du président Omar El-Béchir, depuis les accords de paix de 2005 qui avaient mis fin à deux décennies de guerre civile. L'indépendance du Sud-Soudan a mis donc la branche nordiste en difficulté face au régime de Khartoum qui veut se débarrasser de toute trace des Sudistes sur son territoire. Selon le SPLM-Nord, plusieurs de ses membres ont été arrêtés par les forces de sécurité. Le ministère soudanais de l'Information a confirmé que Khartoum ne reconnaissait plus le parti, sans faire de commentaires sur les accusations d'arrestations massives de membres du SPLM-Nord. Une source de ce ministère citée par les médias a, toutefois, insinué que si un membre du parti veut mener des activités politiques, il court le risque d'être arrêté. En réponse donc à la fermeture de ses bureaux et à l'arrestation arbitraire de certains de ses membres, le SPLM-Nord a déclaré qu'il allait rentrer dans une guerre politique et même militaire ouverte contre Khartoum, suscitant de fortes inquiétudes au niveau de l'ONU qui a appelé les deux camps au dialogue politique et à éviter d'autres tragédies dans cette région, en proie depuis des décennies à d'interminables conflits armés de nature ethnico-religieuse. La lutte pour le contrôle des richesses souterraines est aussi au cœur de cette instabilité chronique dont les Occidentaux ne sont pas étrangers, soit indirectement ou directement. «Le coup d'Etat (de Khartoum) dans le seul Etat du Soudan du Nord qui était capable de se déterminer par un processus électoral prouve qu'il n'est pas possible de faire un changement constitutionnel sous ce régime actuel», a affirmé Yasser Arman, secrétaire général du SPLM (branche nord de l'ex-rébellion sudiste) dans un communiqué. «Il n'y a plus d'autre possibilité pour les Soudanais qu'une combinaison de manifestations de masse et de lutte armée, de l'est de l'Etat du Nil Bleu à l'ouest du Darfour», a-t-il ajouté. Dans son communiqué, Yasser Arman a affirmé que son mouvement et les trois principaux groupes rebelles du Darfour, région de l'ouest du pays déjà en proie à la guerre civile, s'étaient réunis vendredi pour former un mouvement politico-militaire uni pour le changement. L'opposant a aussi appelé l'ONU à instaurer une zone d'exclusion aérienne au-dessus d'un territoire allant du Darfour au Nil Bleu afin de stopper «le nettoyage ethnique» et de lutter contre les attaques aériennes des forces de Khartoum. Le régime d'Omar El-Béchir est face, non pas à un simple mouvement de rébellion mais à une situation très dangereuse qui risque de faire éclater en morceaux ce qui reste du Soudan, autrefois le plus vaste Etat du continent africain. Le recours du régime de Khartoum à la violence pour sauver sa peau a conduit et conduirait certainement le Soudan au désastre. Aux millions de morts qui ont été causés par des décennies de guerre civile, s'ajoute aujourd'hui le risque de l'éclatement du Soudan. L. M.