Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Les résidents en médecine, en chirurgie dentaire et en pharmacie se mobilisent à nouveau pour faire pression sur le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière jusqu'à la satisfaction totale de leurs revendications. Ils reprennent presque leur travail à zéro sans toutefois s'alarmer. Ainsi, à peine retournés aux campus, ils pensent aux voies et moyens de contourner les manœuvres de la tutelle qui, cette fois-ci, n'est pas seule à leur déclarer la guerre. En effet, le département de Djamel Ould Abbès est soutenu par celui de Tayeb Louh dans sa traque aux médecins réfractaires. Selon eux, ces derniers sont encore en «formation graduée» et n'ouvrent pas droit à l'exercice d'une quelconque activité syndicale, encore moins à la perturbation du fonctionnement de l'établissement hospitalier en rechignant au travail. Ce n'est pas leur propos mais ils vont dans ce sens.En effet, le droit à l'activité syndicale est officiellement interdit aux médecins résidents. La direction du Travail au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale a opposé un niet catégorique à leur demande d'agrément d'un syndicat autonome ; une demande déposée le mois de juillet dernier. «Nous avons eu la réponse la semaine dernière : un refus catégorique, sous prétexte que nous ne sommes pas des fonctionnaires et que nous sommes encore en formation», rapporte le Dr Tewfik Yelles, un des porte- parole du Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA). «Les médecins résidents sont en formation graduée au titre de laquelle ils perçoivent une allocation d'études et une rémunération pour leur participation aux soins. A cet effet, la rémunération perçue n'est pas la contrepartie d'un service rendu qui crée des droits et des obligations aux fonctionnaires tels qu'ils découlent d'une relation de travail, conformément aux dispositions de l'ordonnance 06- 03 du 15 juillet 2006, portant statut général de la Fonction publique, notamment les articles 3, 7 et 32.» Telle est la réponse du ministère du Travail à la demande du CAMRA. Juste après, une instruction du ministère de la Santé est envoyée à tous les directeurs des CHU et EHS pour interdire tout rassemblement ou organisation d'une Assemblée générale dans l'enceinte hospitalière. «La récréation est terminée», semblent dire les représentants des deux ministères pour affirmer leur détermination à punir sévèrement tous ceux qui se risqueraient à aller à l'encontre des nouvelles interdictions. «Il en découle que les médecins résidents ne peuvent actuellement s'exprimer au titre de la représentation syndicale au niveau du ministère de la Santé et des établissements de santé», constatent les médecins résidents dans une copie de l'instruction du ministère de la Santé, envoyée aux directeurs des infrastructures hospitalières.«Nous avons appris cela avec amusement», affirme encore Dr Yelles, non sans exprimer son étonnement devant cette volte-face des représentants des pouvoirs publics. «Pourtant, l'année dernière, c'est en tant que CAMRA que nous avons été invités par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales à participer aux assises de la société civile, organisées par le CNES. C'est aussi en tant que CAMRA que nous avons été reçus plusieurs fois par le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès», rappelle-t-il. Après une grève de plus de quatre mois, les médecins résidents ont accepté d'arrêter leur mouvement protestataire, prenant acte des promesses du ministre et de ses collaborateurs à prendre en charge toutes leurs revendications, dont celle qui porte sur une augmentation salariale conséquente. A la rentrée, au lieu de voir leurs revendications satisfaites, ils se heurtent aux menaces de poursuites judiciaires et autres. Fini les grands rassemblements suivis de marches à l'hôpital Mustapha ou ailleurs. Même les réunions sont interdites sur le lieu de travail. Désormais, les médecins devront entrer dans la clandestinité pour éviter la sanction judiciaire. «Nous nous sommes réunis jeudi dernier et nous avons fait le point sur la question… Non, je ne vous dirai pas où nous nous sommes réunis ; je risquerais la prison», affirme encore Dr Yelles, l'air décontracté. «Ce n'est pas cela qui va nous empêcher de poursuivre notre lutte. Nous allons rebondir au moment opportun.»Le représentant du CAMRA est d'autant plus confiant quant à la justesse de la démarche à entreprendre à l'avenir, que sur le plan pédagogique, il n'y a, selon lui, rien à leur reprocher : «L'année pédagogique a été validée… Il n'y a pas eu d'année blanche», poursuit-il. Plus précis, Dr Yelles affirme que la rentrée a été décalée au mois de novembre prochain. Les examens de 1re et 5e année auront lieu à cette date-là. Pour ce qui est des examens intercalaires, ceux-ci ont été supprimés «comme nous l'avons demandé».