«Contrairement aux apparences, les services syriens ne sont pas si intelligents qu'on le pense». En donnant ce jugement, Khaled Sid-Mohand sait de quoi il parle. Le journaliste algérien établi en France a été, en effet, arrêté, puis détenu sans aucun procès pendant 24 jours en avril dernier à Damas. Libéré sans aucune forme de procès, le journaliste est venu, hier, raconter sa mésaventure à ses confrères algériens, à l'occasion d'une conférence de presse animée au siège du quotidien El-Watan à Alger. Khaled Sid-Mohand était pendant plusieurs années correspondant du quotidien français Le Monde à Damas. Il a de ce fait une idée d'ensemble sur la société syrienne. «Je peux vous dire que, durant tout mon séjour, j'ai rarement senti le poids des services. Mieux, j'avais senti, même chez les opposants les plus radicaux, une foi en les velléités réformatrices du régime. Le temps a malheureusement montré qu'ils avaient tort», a expliqué le journaliste. Selon lui, le chef d'Etat syrien jouissait d'une «popularité certaine» auprès des jeunes de son pays grâce à différentes «ouvertures, notamment de l'Internet et des télécommunications». «Dans un pays hermétique, sous Hafed El-Assad, une petite ouverture peut être perçue comme une bouffée d'oxygène». Mais, poursuit le journaliste, les choses ont graduellement évolué. «Contrairement aux Tunisiens et aux Egyptiens, les Syriens ne demandaient pas le départ d'Al-Assad, au départ. Ce n'est qu'après la multiplication des morts chez les civils que la contestation est passée du stade réformiste à celui de révolutionnaire», a commenté le journaliste. Selon lui, les Syriens sont échaudés par les guerres successives au Liban, puis en Irak. Ils ne veulent pas reproduire ces deux exemples chez eux. Au train où vont les choses, Khaled Sid-Mohand y prévoit un avenir sombre. Puisque, selon lui, si la guerre devait être ethnique le pays vivrait un bain de sang ; ce qui n'est pas encore le cas. «J'espère qu'il y aura beaucoup de désertions dans le commandement de l'armée pour créer un rapport de forces favorable aux révolutionnaires», a-t-il commenté.Revenant sur les conditions de sa détention, au début du mois d'avril dernier, le journaliste, qui dit avoir choisi de vivre à Damas «parce que c'est une ville où il fait bon vivre», a précisé qu'il n'a «jamais été torturé contrairement aux autres détenus». Il a subi des «interrogatoires violents», mais le reste de son séjour s'est passé «normalement». Il raconte qu'il a fait deux grèves de la faim, même si «la nourriture n'est pas mauvaise». Près de six mois après sa libération, le journaliste ne sait pas exactement pourquoi il a été détenu ni comment il a été libéré. «J'ai juste été remis aux autorités algériennes après que l'ambassadeur eut signé une décharge», a-t-il dit. Le document dont il parle «n'existe nulle part» et constitue «la seule pièce» justifiant sa détention. Officiellement, les autorités syriennes n'ont jamais reconnu son arrestation. Tout s'est fait dans la clandestinité.A présent, le journaliste, qui travaille également pour «Radio France culture», dit souhaiter pouvoir retourner en Syrie. Même s'il sait que ce n'est pas possible. A. B.