L'économie et la science vont toujours de paire. Le savoir est au cœur même de l'entreprise moderne. Les grandes firmes ont compris assez tôt ce challenge pour se doter de puissants départements «recherches et développement». Elles accordent une place prépondérante à la ressource humaine, à travers la prospection et le recrutement des talents et des compétences. De nos jours, les petites entreprises accordent aussi une importance particulière à l'innovation et la création. Partout à travers le monde, les sociétés économiques travaillent en étroite collaboration avec les universités, les centres de recherche, les instituts de l'enseignement supérieur et les bureaux d'études, aussi bien publics que privés. Il s'agit d'un lien presque ombilical. C'est cette économie du savoir qui fait souvent la différence. En Algérie, ce partenariat stratégique université-entreprise peine encore à se concrétiser sur le terrain. Depuis l'indépendance du pays, l'institution universitaire, se consacrant presque exclusivement à sa mission pédagogique, a quasiment ignoré les problématiques qui se posent avec acuité à la sphère productive. C'est à la fin des années 1990 qu'un certain rapprochement a commencé à s'opérer. Les universités de Bab Ezzouar (USTHB) et de Béjaïa (UAMB) ont été les premières à proposer leurs services aux opérateurs économiques et aux pouvoirs publics, exprimant leur volonté commune «à jouer pleinement leur rôle dans la relance de la croissance économique en proposant une assistance technique de qualité aux promoteurs». Cette ouverture, même tardive, a immédiatement suscité l'intérêt des managers. De nombreux opérateurs se sont simultanément manifestés pour bénéficier de cette expertise algérienne. Une trentaine de conventions ont été signées depuis, avec des groupes industriels, des organismes commerciaux et des dispositifs institutionnels comme Cevital, Saidal, Epal, Epb ou l'Ansej. Certaines entreprises ont montré leur disposition à prendre en charge le renouvellement des équipements de laboratoire ou la création de centres de recherche spécialisés, comme celui dédié à la recherche agroalimentaire projeté à Béjaïa. Mais le profil de compétence des chercheurs algériens se trouve parfois limité. Cela contraint les opérateurs en question à exposer ailleurs leurs préoccupations technologiques et industrielles où elles sont mieux prises en charge. C'est le cas notamment de MGF (filiale de Cevital spécialisée dans la production de verre plat) qui, faute d'associé scientifique local, a recouru à des partenaires étrangers. «Nous travaillons avec des universitaires allemands, italiens et français, car les spécialistes dans notre domaine d'activités sont rares en Algérie. On doit agir en amont pour créer sur place l'intérêt nécessaire à cette filière», souligne Khaled Bouali, PDG de MGF-Cevital, lors du forum de l'université de Béjaïa. Ainsi, les chercheurs sont implicitement sommés de se mettre au diapason des ambitions affichées par les industriels. Autrement dit : l'université est appelée à se replacer au cœur de son environnement socioéconomique. La professionnalisation des diplômes devrait l'amener naturellement à une implication directe dans le monde de l'entreprise. «L'innovation est au centre des stratégies de management des entreprises et des politiques publiques. Elle est plus que nécessaire pour bâtir une économie compétitive. Le process innovant est l'affaire des entreprises mais aussi de la construction d'un milieu innovant par les chercheurs et les pouvoirs publics», précise Fatiha Rachedi lors du Colloque international sur la compétitivité des entreprises qui vient de s'achever à Alger. Les chefs d'entreprises ont largement pris conscience de cette question. Il appartient aux universités d'encourager la persévérance et l'excellence pour entretenir durablement ce partenariat naissant. K. A.