La menace terroriste, qui plane depuis des années déjà sur la région du Sahel, s'aggrave dangereusement. Tous les analystes sont unanimes sur ce point. Les Etats de la région sentent l'imminence du danger. Les hordes djihadistes, visiblement revigorées par le pourrissement du conflit libyen, montrent leurs crocs. Accrochages répétitifs avec l'armée tunisienne, attentats meurtriers en Algérie, enlèvement de ressortissants étrangers, tension au nord du Mali, mouvements suspects au Niger, atmosphère pesante en Mauritanie et au Tchad…, l'islamisme armé sort ses griffes et s'apprête à l'attaque. Les pays de la bande sahélo-saharienne sont dans l'œil du cyclone. Tous les efforts communs, accomplis précédemment pour la sécurisation de ce vaste territoire désertique de 8 millions de kilomètres carrés, ont été annihilés par la prolifération des armes libyennes et les effets collatéraux de l'intervention atlantique dans ce pays. «La crise libyenne a transformé le Sahel en poudrière», constate le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, lors d'une récente visite à Alger. Au tout début du conflit interne en Libye, Maâmmar Kadhafi avait volontairement ouvert ses arsenaux aux quatre vents pour compliquer la tâche de la rébellion. Des milliers de missiles sol-air, des tonnes d'armes lourdes et légères ont curieusement disparus des hangars de l'armée libyenne, avouent aujourd'hui les autorités transitoires du CNT. L'intervention ultérieure des forces de l'Otan a accentué davantage la situation avec le largage des armes françaises à Djebel Nafoussa en violation de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. L'utilisation anarchique des millions d'euros - voire des milliards - et des centaines de véhicules tout-terrains, offerts à la rébellion libyenne par les pays occidentaux et les monarchies pétrolières du Golfe, a visiblement bien profité aux réseaux terroristes qui ont récupéré aussi une bonne partie de cette «aide généreuse» qui tombe du ciel. Déjà infesté de terroristes, de mercenaires, contrebandiers, de trafiquants de drogues et d'armes, le Sahel est ainsi délibérément précipité dans le chaos. De nombreux diplomates occidentaux, qui se sont récemment rendus en Algérie, ont publiquement montrés de sérieuses inquiétudes à ce sujet. Américains, Anglais, Français, Portugais et Italiens craignent une grave détérioration de la situation sécuritaire, mais sans reconnaître ouvertement leurs responsabilités. Les pays du Sahel, qui doutent à juste raison de la bonne foi occidentale, se resserrent les coudes. Les lendemains s'annoncent dures et la tâche beaucoup plus ardue. K. A.